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Lorsqu’un amateur de Lille, M. Blanquart-Evrard, publia au commencement de l’année 1847 la description des procédés de la photographie sur papier, cette communication fut accueillie par les amateurs et les artistes avec un véritable enthousiasme, car elle répondait à un vœu depuis long-temps formé et jusque-là resté à peu près stérile. On devine sans peine en effet les nombreux avantages que présentent les épreuves photographiques obtenues sur papier. Elles n’ont rien de ce miroitage désagréable qu’il est si difficile de bannir complètement dans les épreuves sur métal, et qui a l’inconvénient de rompre toutes les habitudes artistiques ; elles présentent les qualités ordinaires d’un dessin ; une bonne épreuve sur papier ressemble à une seppia faite par un habile artiste. L’image n’est pas simplement déposée à la surface comme dans les épreuves sur argent, elle se trouve formée jusqu’à une certaine profondeur dans la substance du papier, ce qui assure une durée indéfinie et une résistance complète au frottement. Le trait n’est point renversé comme dans les dessins du daguerréotype ; le dessin est au contraire parfaitement correct pour la ligne, c’est-à-dire que l’objet est reproduit dans sa situation absolue au moment de la pose. En outre, un dessin-type une fois obtenu, il est possible d’en tirer un nombre indéfini de copies. Enfin, l’énorme avantage de pouvoir substituer une simple feuille de papier aux plaques métalliques d’un prix élevé, d’une détérioration facile, d’un poids considérable, d’un transport incommode, l’absence de tout ce matériel embarrassant, si bien nommé bagage daguerrien, qui rendait si difficile aux voyageurs l’exécution des manœuvres photographiques, la simplicité extrême des opérations, le bas prix des substances employées, sont autant de conditions qui assurent à la photographie sur papier une utilité pratique véritablement sans limites.

Il est donc facile de comprendre l’intérêt avec lequel le monde des savans et des artistes accueillit les résultats obtenus par M. Blanquart. Cependant, il faut le dire, il se passait là un fait assez étrange, et peut-être sans exemple dans la science. Les procédés publiés par M. Blanquart n’étaient, à cela près de quelques modifications utiles dans le manuel opératoire, que la reproduction de la méthode publiée depuis plus de six ans par un riche amateur anglais, M. Talbot. Or, dans son mémoire, M. Blanquart n’avait pas même prononcé le nom de M. Talbot, et cet oubli singulier ne provoqua, au sein de l’Académie ni ailleurs, aucune réclamation.

En effet, depuis 1834, alors que l’art photographique était encore à naître, M. Talbot avait essayé de reproduire sur le papier les images de la chambre obscure. Déjà d’ailleurs, et long-temps avant cette époque, d’autres physiciens avaient abordé cette question, car c’est un fait à remarquer, que les premiers essais de photographie ont eu pour objet