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l’on vit paraître, de jour en jour perfectionnés, ces admirables portraits où l’harmonie de l’ensemble est encore relevée par le fini des détails. C’est alors que put être vraiment réalisé le rêve du conteur allemand : « Qu’un amant, voulant laisser à sa maîtresse un souvenir durable, se mire dans une glace et la lui donne ensuite, parce que son image s’y est fixée. »

Après la découverte des substances accélératrices, la fixation des épreuves marqua un nouveau progrès de l’art photographique. Les images daguerriennes obtenues à l’origine étaient déparées par un miroitement métallique des plus désagréables. Le dessin ne présentait d’ailleurs que peu de fermeté, puisque le ton résultait seulement du contraste formé par l’opposition de teintes du mercure et de l’argent. Enfin (et c’était là un des plus graves inconvéniens), l’image était extrêmement fugitive, elle ne pouvait supporter le frottement ; le pinceau le plus délicat promené à sa surface effaçait entièrement le dessin. M. Fizeau fit disparaître tous ces inconvéniens à la fois en recouvrant l’épreuve photographique d’une légère couche d’or. Il suffit pour obtenir ce résultat de verser à la surface de l’épreuve une dissolution de chlorure d’or mêlée à de l’hyposulfite de soude, et de chauffer légèrement. La plaque se recouvre aussitôt d’un mince vernis d’or métallique. Cette opération si simple en elle-même est cependant le complément le plus utile de la découverte de Daguerre. Elle a permis en effet de rehausser à un degré remarquable le ton des dessins photographiques, de bannir presque entièrement le miroitage et de communiquer à l’épreuve une grande solidité, c’est-à-dire une résistance complète au frottement et à toutes les actions extérieures.

Comment la dorure d’un dessin photographique peut-elle communiquer à celui-ci la vigueur de ton qui lui manquait et faire disparaître le miroitement ? C’est ce qu’il est facile de comprendre. L’or vient recouvrir à la fois l’argent et le mercure de la plaque ; l’argent, qui forme les noirs du tableau, se trouve bruni par la mince couche d’or qui se dépose à sa surface : ainsi les noirs sont rendus plus sensibles, et le miroitage de l’argent n’existe plus ; au contraire, le mercure, qui forme les blancs, acquiert par son amalgame avec l’or un éclat beaucoup plus vif, ce qui produit un accroissement remarquable dans les clairs. Le ton général du tableau est d’ailleurs singulièrement rehaussé par l’opposition plus vive que prennent les couleurs des deux métaux superposés. Tous ces avantages ressortent d’une manière surprenante, si l’on compare deux épreuves dont l’une est fixée au chlorure d’or et l’autre non fixée. La dernière, d’un ton gris bleuâtre, paraît exécutée sous un ciel brumeux et par une faible lumière ; l’autre, par la richesse de ses teintes, semble sortir de la chaude atmosphère et du beau ciel des contrées méridionales. Quant à la résistance qu’une épreuve ainsi traitée oppose au frottement et aux actions extérieures, elle s’explique sans