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genre tout spécial de ses connaissances et la nature de ses occupations habituelles avaient conduit à s’occuper de recherches analogues : c’était M. Daguerre. Peintre habile, il était depuis long-temps connu des artistes ; mais il ne s’était guère occupé que des décorations de théâtre. Les toiles remarquables qu’il avait composées pour l’Ambigu et pour l’Opéra lui avaient fait en ce genre une sorte de célébrité. Il avait surtout fondé sa réputation par l’invention du Diorama. On connaît les effets remarquables qu’il avait réussi à produire en représentant sur une même toile deux scènes différentes qui apparaissaient successivement sous les yeux des spectateurs par de simples artifices d’éclairage. La Messe de minuit, l’Éboulement de la vallée de Goldau, la Basilique de Sainte-Marie et quelques autres toiles qui furent consumées dans l’incendie du Diorama en 1839, ont laissé de précieux souvenirs dans la mémoire des artistes. Ces études si spéciales du jeu et des combinaisons de la lumière avaient amené M. Daguerre à entreprendre de fixer les images de la chambre obscure. Toutefois, malgré des recherches persévérantes, il est certain qu’il n’avait encore rien trouvé, lorsqu’il apprit par hasard que dans un coin ignoré de la province un homme avait résolu ce difficile problème.

C’est au mois de janvier 1826 que M. Daguerre reçut dans la boutique d’un opticien de Paris, ami et confident de Niepce, la nouvelle de cette découverte imprévue. Il écrivit aussitôt à l’inventeur pour se mettre en rapport avec lui, et dès ce moment une correspondance active s’établit entre les deux physiciens. Elle dura quatre ans. Au bout de ce temps, séduit par les promesses de M. Daguerre, et estimant d’ailleurs que ses procédés en étaient venus à un point tel qu’il lui serait difficile, en restant livré à ses seules ressources, de les faire beaucoup avancer, Niepce proposa à M. Daguerre de s’associer à lui pour s’occuper en commun des perfectionnemens que réclamait son invention. Un traité fut conclu entre eux à Châlons, le 14 décembre 1829, et après la signature de l’acte, Niepce communiqua à M. Daguerre tous les faits relatifs à ses procédés photographiques.

Une fois initié au secret de la découverte de Niepce, M. Daguerre s’appliqua sans relâche à la perfectionner. Il remplaça le bitume de Judée par la résine que l’on obtient en distillant l’essence de lavande, matière qui jouit d’une certaine sensibilité lumineuse. Au lieu de laver la plaque dans une huile essentielle, il l’exposait à l’action de la vapeur fournie par cette essence à la température ordinaire. La vapeur laissait intactes les parties de l’enduit résineux frappées par la lumière, elle se condensait sur les parties restées dans l’ombre. Ainsi le métal n’était nulle part mis à nu. Les clairs étaient représentés par la résine blanchie, les ombres par la résine qu’avait dissoute l’huile essentielle, et qui formait à la surface du métal une couche transparente. L’opposition de