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à la longue un domaine d’une valeur considérable : l’excédant de bénéfice sera énorme ; mais, pour atteindre ce but, il aura fallu faire des déboursés continuels pendant dix ans, sans autres recouvremens que quelques produits du bétail. Or, des spéculations à si longs termes sont très exceptionnelles dans notre société, où la propriété, à peine formée, se morcelle et s’éparpille entre plusieurs mains. C’est encore l’impossibilité de fournir immédiatement des dividendes qui a fait échouer les défrichemens entrepris par des sociétés d’actionnaires. Ce qui est peu séduisant pour des spéculateurs particuliers devient facile pour une commune. Son but n’étant pas d’augmenter immédiatement son revenu, il doit lui suffire de ne pas trop surcharger le présent au profit de l’avenir.

L’établissement de ces prairies communales, destinées à répartir entre les usagers, soit le fourrage, soit le fumier, pourrait être justifié mathématiquement. Dans l’état actuel de la production, il y a une relation étonnante, à force d’exactitude, entre l’étendue des prairies et la fécondité des différentes branches qui constituent l’industrie agricole. A mesure que la surface consacrée aux plantes fourragères s’élargit, celle des terres incultes diminue ; le rendement des terres ensemencées devient plus fort : le bétail gagne en nombre et en valeur, l’impôt s’accroît au profit de l’état sans lésions pour les particuliers ; Ce principe fondamental se vérifie dans ses documens français d’une manière si instructive, que je n’hésite pas à reproduire la démonstration malgré sa sécheresse.

On sait que, dans la Statistique agricole publiée par le ministre du commerce, la France est divisée en quatre régions, dont chacune comprend vingt-un ou vingt-deux départemens.

La région du nord-est, la plus riche des quatre, est aussi celle qui possède relativement le plus de pâturages, quoiqu’elle soit encore bien loin de l’idéal préconisé par les agronomes. Pour 1,000 hectares de cultures épuisantes, on y compte 495 hectares de ces cultures fourragères qui améliorent, et seulement 199 hectares de terres incultes. Dans cette région, le rendement des terres à blé est de 1,104 litres par hectare, ou cinq fois et demie la semence. Le bétail est évalué en masse à 529,978,504 francs ; la somme des impôts afférente aux propriétés non bâties dépasse 32 millions.

La région la plus pauvre, celle du sud-ouest, n’a su établir, pour 1,000 hectares de cultures épuisantes, que 395 hectares de prairies. La proportion des espaces que la fatigue du sol a condamnés à l’inculture s’y élève à 354 hectares, c’est-à-dire à 44 pour 100 de plus que dans l’autre région ! Le rendement des céréales y tombe à 810 litres par hectare ; ce qui fait, pour le midi, où l’ensemencement est plus léger que dans le nord, un peu plus de 4 et demi pour 1. L’estimation du bétail