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exploitation intelligente au profit de la communauté, ce qui est bien différent. Si, dans l’état d’inculture, le rapport d’un hectare est évalué à 10 ou 12 francs, c’est la représentation de trois quintaux de foin. Si une commune de 200 familles possède 80 hectares de terres vagues, le contingent de chacune est de 150 kilogrammes, représentant, en argent, 5 à 6 francs : ce n’est pas même dix jours d’entretien pour une tête de gros bétail. « Le pâturage est plus nuisible qu’utile, dit un professeur habile, lorsque les animaux n’y trouvent pas au moins leur ration d’entretien. » Le bétail du pauvre, n’ayant pas d’autre ressource que l’herbe écrasée du communal et la vaine pâture quand les champs particuliers sont dégarnis, on peut se faire une idée de ce qu’il doit souffrir.

Supposons, au contraire, que le terrain communal, enclos et parfaitement traité, soit consacré exclusivement aux cultures fourragères, herbages ou racines : on peut admettre sans exagération un rendement équivalent à 40 quintaux métriques de bon foin par hectare, soit 3,200 quintaux. Chaque famille aura droit alors à 16 quintaux : c’est la nourriture d’une vache à l’étable pendant les quatre à cinq mauvais mois. Il ne reste que peu à faire, même au plus pauvre cultivateur, pour compléter la ration annuelle. Poussons le principe à ses dernières conséquences ; imaginons dans chaque centre, les prairies communales développées en proportion des terres arables. Alors chaque cultivateur, si petit que soit son champ d’exploitation, peut en obtenir des récoltes satisfaisantes ; la petite propriété se trouve ainsi réconciliée avec la science agricole.

Le principe étant admis, il y aurait dix manières de l’appliquer à l’égal avantage des pauvres et des riches. Un cultivateur exercé, choisi par les habitans du canton, rétribué par les fonds de la commune, dirigerait l’entreprise sous le double contrôle du conseil municipal et des inspecteurs du gouvernement. On tiendrait compte de la main-d’œuvre fournie par les salariés, ou des avances faites par les habitans, en argent, en attelages, en outils, en semences. Les avances, comme les salaires, seraient soldés par un prélèvement sur les récoltes. Pour la répartition des produits, deux combinaisons seraient possibles. Ou bien on partagerait immédiatement toute la récolte en nature, et chacun utiliserait son lot à son gré ; ou bien la commune, faisant consommer ses fourrages par des troupeaux à elle, distribuerait seulement le fumier de ses étables entre les cultivateurs du lieu, et en ferait, avec la vente des animaux consommateurs, un revenu en argent, applicable au soulagement des pauvres ou à des dépenses d’utilité publique.

Aux personnes que toute nouveauté effarouche, il n’est pas inutile de dire que l’idée émise ici n’est pas sans précédent. Chaque paroisse avait autrefois ses pratiques particulières dans l’usage des pâtures communales, et notre vieux droit coutumier offrait plus d’un exemple