Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/1007

Cette page a été validée par deux contributeurs.

actuelles. L’économie politique n’oubliera point le service que M. Michel Chevalier lui a rendu dans une circonstance si critique.

Mais, pour achever le jugement du socialisme, il reste à considérer les moyens par lesquels il travaille à s’emparer de la société, ce que l’on pourrait appeler sa politique. Résumons d’abord ses caractères comme doctrine : dans l’ordre philosophique, il se trompe sur la destinée de l’homme en lui promettant le bonheur sur la terre ; il ne peut promettre à l’homme le bonheur terrestre, d’un côté, qu’en niant Dieu, ou en annulant ses attributs, ou en blasphémant sa providence, de l’autre, qu’en divinisant les vices de nos instincts et les caprices de nos passions, en exaltant le matérialisme, et enfin en asservissant la liberté de l’individu à la tyrannie des masses. Économiquement, il se trompe sur les conditions matérielles des sociétés, comme il avait erré sur la destinée de l’homme. C’est la haine des conditions actuelles qui l’inspire ; aveuglé par cette haine, il accuse mensongèrement les institutions nécessaires sur lesquelles toute société s’appuie, il leur attribue des maux dont elles ne sont pas responsables, il leur reproche d’aggraver des douleurs qu’elles atténuent au contraire par des soulagemens progressifs et continuels. Enfin cette même passion le détourne de l’étude ou de l’intelligence de la science économique, et, comme il aborde cette science avec un parti pris et des conclusions arrêtées d’avance, il en outrage tous les principes et en confond toutes les applications. Vous pouvez maintenant comprendre la politique naturelle du socialisme. — Le socialisme, malgré ses protestations contraires, nie le progrès, parce que le progrès des faits suppose la raison du passé et la légitimité du présent, parce que le progrès des idées, fondé uniquement sur les adhésions libres de la raison à la vérité, exclut l’emploi des violences matérielles et de la force physique : le socialisme est révolutionnaire. — Le socialisme détruit la nationalité et le patriotisme, parce que le patriotisme est un sentiment qui nous rend amoureux et fiers de notre pays dans le passé, et qui nous fait en quelque sorte contemporains, par la mémoire et par le cœur, des vicissitudes de son histoire, parce que l’histoire est, comme le progrès, la gloire du passé et la justification du présent, parce que les nations ont un génie comme les hommes ont une ame, et que vouloir mutiler un des caractères de ce génie comme une des facultés de l’ame, c’est les tuer : le socialisme est révolutionnaire. — Le socialisme allume et entretient des haines irréconciliables, parce qu’il pousse le flot des passions populaires contre des problèmes insolubles : le socialisme est révolutionnaire.

Le socialisme est la dernière forme et la dernière secousse de la révolution ; il n’a rien inventé. Les plus violens de ses adeptes proclament Robespierre comme le grand initiateur et le grand martyr de leur cause, et ils ont raison de se placer sous l’invocation de cette mémoire