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toral. Paris a trois députés à nommer. Il ne nous appartient pas de dresser de listes, et les noms qui nous plairaient sont trop nombreux pour que nous ne fussions pas très embarrassés, si nous avions à le faire. Le maréchal Bugeaud sollicite, par une lettre où on le reconnaît bien, l’honneur d’aller au besoin exposer sa vie dans nos rues et rejoindre, s’il le faut, « ceux de ses braves lieutenans qui ont succombé dans les journées de juin. » — Ces journées sont un titre de gloire pour M. Roger du Nord, qui s’est naturalisé dans le département de la Seine sous le feu des barricades. M. Cousin a pris l’initiative d’une croisade méritoire contre les idées mauvaises avec lesquelles on arme les fusils. M. Benjamin Delessert, plus jeune que ses honorables concurrens, a par devers lui les traditions héréditaires de sa famille, qu’il s’applique déjà lui-même à perpétuer. M. Achille Fould est un financier dont l’expérience trouvera bien souvent encore à s’employer au profit du trésor avant que le trésor soit remis en équilibre. M. Edmond Adam, secrétaire-général de la préfecture, a mérité la confiance qui l’appelait là par six mois d’efforts courageux employés à organiser l’ordre et à réprimer l’émeute. Nous enregistrons tous les titres qui nous paraissent respectables ; nous ne classons personne. Il serait fort à désirer que ces candidats, entre lesquels les bons citoyens partageront leurs suffrages, se réduisissent d’eux-mêmes au strict nombre qu’il faudrait pour qu’il n’y eût point de suffrages perdus ; ceux-là s’honoreraient infiniment qui, par un juste concert, sauraient abdiquer à propos. Paris les retrouverait un jour ; Paris n’est point à perpétuité menacé d’avoir pour représentans M. Cabet, M. Raspail et le citoyen Thoré ! Voilà pourtant la représentation que l’entente cordiale de toutes les fractions de la république rouge prêche et impose à de pauvres gens égarés. Qui sait si le prince Louis Bonaparte ne presse pas sur les mêmes ressorts pour reparaître enfin tout de bon dans sa capitale ?

Et les grandes affaires de l’extérieur ! la médiation de la France acceptée par l’Autriche, sans que l’Autriche convienne des bases sur lesquelles elle l’accepte ; l’escadre française qui devait prendre Venise rappelée sans être partie ; l’armistice danois rompu par la tyrannique ambition des gens de Francfort ; le ministère de Francfort et le ministère de Berlin renversés à la fois, la Prusse subordonnée à ce singulier empire qui vit de l’argent prussien et guerroie avec les troupes prussiennes ; la Hongrie battue par ses sujets croates. L’espace et le temps nous manquent pour nous retrouver au milieu de ce tourbillon d’événemens, saisis d’ailleurs comme nous le sommes par un événement plus étourdissant, plus inoui, plus incroyable et pourtant, s’il est possible, plus authentique que les autres : M. Pascal Duprat entre dans la diplomatie ! Qu’en pense M. Lamennais ? L’assemblée voyait M. Pascal Duprat endosser d’habitude, pour le compte du gouvernement, tous les rôles sacrifiés ; l’assemblée ne peut venir à bout de croire que ce soit cette habitude-là qui ait rendu le nouveau diplomate si parfaitement propre à représenter la république au dehors.

De la Démocratie industrielle, par Charles Laboulaye[1]. — La révolution de 1789 a organisé démocratiquement la propriété foncière. Grâce à l’abolition du privilège de la naissance et à la division des héritages, dix millions de ci-

  1. Paris, 1848, chez Mathias, quai Malaquais, 15.