Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/945

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hampden, il n’y avait pas trouvé des raisons suffisantes de mettre en doute son orthodoxie, et qu’il retirait l’autorisation qu’il avait donnée de le poursuivre. Il terminait en engageant tous ceux qui avaient pris part à l’opposition contre l’élection du nouvel évêque à ne pas la pousser plus loin. Cette déclaration devait causer et causa, en effet, une surprise universelle ; peut-être l’évêque d’Oxford était-il animé de bonnes intentions, peut-être voulait-il jeter le manteau d’une apparente réconciliation sur la lutte que venaient de se livrer publiquement les deux pouvoirs ; quoi qu’il en soit, ses efforts devaient être inutiles, ainsi qu’on le verra plus tard.

En même temps que l’évêque d’Oxford, lord John Russell, profitant de l’occasion d’une adresse qui lui avait été présentée par le clergé de Bedford, déclarait publiquement son intention de maintenir le choix de la couronne, et il disait : « Ne nous méprenons pas sur notre position. L’église n’est point dans cette molle sécurité du siècle dernier qui donna naissance à tant de négligences, à tant d’abus des richesses, à tant de dangereuse apathie. D’un côté, l’église de Rome, avec une instruction abondante, une imposante autorité, séduit beaucoup des nôtres à sa communion. Le droit du libre jugement est par beaucoup évité comme une illusion dangereuse ; le devoir du libre jugement est par beaucoup rejeté comme un poids trop lourd. D’un autre côté, les dissidens protestans attaquent notre église établie comme un instrument destiné à enchaîner les consciences et à taxer les biens des citoyens. Les nouveautés ont leur charme, et nous voyons les hommes de la haute église et les indépendans parler également avec complaisance de la séparation de l’église et de l’état. Je ne saurais voir de meilleur rempart contre ce danger qu’un banc épiscopal habile et instruit, un clergé paroissial zélé et craignant Dieu. C’est ainsi que la réformation pourra être défendue, que l’établissement pourra être maintenu. Autrement, il n’est ni parlement, ni prœmunire qui puissent venir à bout des assauts livrés à notre constitution ecclésiastique. Mais on dit que j’ai troublé la paix de l’église. Il ne sert de rien de crier « la paix » là où « il n’y a point de paix. » La nomination du docteur Tillotson au siège primatial souleva autrefois contre lui un parti dont la fureur sans relâche le poursuivit jusqu’à sa mort. Il fut dénoncé comme un socinien, comme un athée, et pourtant jamais notre grand libérateur ne fit un choix plus sage ni plus judicieux. »

« Notre grand libérateur ! » cela veut dire le roi Guillaume, celui de la révolution. Il était assez habile à lord John Russell de faire ainsi appel aux souvenirs de la révolution ; c’était toucher une fibre toujours sensible chez l’Angleterre protestante. Ce qui était moins habile, c’était de dater quelquefois ses lettres de Woburn-Abbey, résidence seigneuriale des Bedford ; cela rappelait trop aux esprits méchans que les premiers Russell avaient commencé leur grande fortune avec les