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pas protesté plus tôt contre le docteur Hampden, c’est qu’il n’avait pas encore été placé dans une position qui lui permît d’exercer une influence préjudiciable à l’église ; c’est que les chefs du clergé avaient dû naturellement hésiter avant de se constituer en accusateurs publics sans une nécessité pressante ; mais jamais il n’était arrivé que la couronne nommât à un siège épiscopal un homme dont l’orthodoxie avait été solennellement déclarée suspecte, et c’est là ce qui distinguait le cas actuel de tous les autres. L’évêque sommait lord John Russell de déférer le docteur Hampden au jugement de l’assemblée du clergé, et il disait : « S’il est disculpé, alors sa réputation sera vengée ; elle ne sera pas, comme vous le dites, sacrifiée, ce qu’elle serait si vous cherchiez à imposer sa nomination à une église révoltée, et si vous rappeliez à la vie la plus détestable et la plus tyrannique des lois qui souillent encore notre code. »

Cette loi dont parlait ainsi l’évêque d’Exeter est le statut d’Henri VIII, qui règle la prétendue élection des évêques par les chapitres. Quand le roi Henri se fit pape, il réunit les pouvoirs de chef de l’église à ceux de chef de l’état ; par une espèce de capitulation avec l’ordre de choses existant, il conserva les formes anciennes de nomination aux sièges épiscopaux, c’est-à-dire que la couronne présentait le candidat et que le chapitre le nommait par élection. Mais, pour éviter toute opposition de la part des chapitres, le roi Henri VIII décréta que si, dans un délai de douze jours, le doyen et le chapitre n’avaient pas nommé le candidat présenté par la couronne, il serait nommé d’autorité, et de plus, le chapitre qui refuserait de l’élire, les évêques qui refuseraient de le consacrer, encourraient les peines de prœmunire. Ce qu’on appelle le prœmunire est un acte ou une série d’actes destinés, dans l’origine, à protéger le pouvoir temporel de la couronne d’Angleterre contre l’intervention de la cour de Rome ; ces actes ne datent pas seulement d’Henri VIII ou de la réformation, mais du règne d’Edouard Ier ; ils furent dans la suite très étendus par Henri VIII et par Elisabeth ; ils emportent les peines de la confiscation et de l’emprisonnement perpétuel. C’est donc en parlant de ces statuts que l’évêque d’Exeter disait à lord John Russell :

« Milord, le nom de Russell devrait être et sera toujours, j’en suis sûr, dans vos heures de réflexion, une garantie pour nous contre toute application par vous d’une phrase aussi sainte que les droits de la couronne à une chose aussi indigne que ce statut. Milord, la couronne n’a et ne peut avoir le droit, et j’espère qu’elle n’aura pas le pouvoir d’imposer à l’église un évêque que l’église a le droit de repousser comme professant des doctrines contraires à la parole divine. Il est bien vrai, milord, que le statut d’Henri VIII, cette magna charta de la tyrannie, donne à la couronne un pouvoir qu’il plaît à votre seigneurie