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Ogni terra ov’io M’assisi
La ùia tomba roi sembrô,

est empreint d’une tristesse navrante, et l’allegro de ce morceau exquis est supérieur peut-être à l’andante qui le précède. Il faut citer encore un très beau quintetto et le finale qui termine le premier acte. L’adagio du quintetto est surtout charmant, et, dans la stretta du finale, on retrouve déjà cette heureuse disposition des voix, cette manière élégante et facile de les grouper et d’en accroître progressivement la sonorité, qui est l’un des mérites de Donizetti. Au second acte, nous nous contenterons de nommer l’air de Vivi tu, te ne scongiuro, que Rubini disait d’une manière inimitable. Qui n’a pas entendu ce grand virtuose dans ce morceau plein de grâce, de rêverie et de passion, ne peut se faire une idée de la puissance de l’art de chanter.

Lucia di Lamermoor est incontestablement le chef-d’œuvre de Donizetti. C’est la partition la mieux conçue et la mieux écrite qu’il nous ait laissée, celle où il y a le plus d’unité, et qui renferme les plus heureuses inspirations de son cœur. Chaque morceau en est ravissant et parfaitement en situation. L’introduction, dans laquelle se dessine le caractère vigoureux d’Asthon, est d’un bon style et tout-à-fait en harmonie avec le drame lugubre et tendre qui va se dérouler. Le duo entre Lucie et son amant Edgard est plein de passion, surtout l’allegro, qui est devenu populaire. Celui pour baryton et soprano entre Lucie et son frère Asthon est aussi très distingué, bien qu’il rappelle des idées connues, et particulièrement un duo d’Elisa e Claudio de Mercadante. Le finale du premier acte se recommande par des qualités de premier ordre. Le sextuor qui s’y trouve encadré est certainement l’un des morceaux d’ensemble les plus dramatiques qu’il y ait au théâtre. y a-t-il rien de plus pénétrant que cette phrase de la partie d’Edgard :

T’amo, ingrata, famo ancor ?


Chaque mot est un sanglot de douleur qui vous remue jusqu’au fond de l’ame. Dans ce beau sextuor, les voix sont groupées avec un art merveilleux. Donizetti a reproduit souvent depuis la combinaison harmonique de cet admirable sextuor. La stretta du final est pleine de vigueur. On n’a pas oublié sans doute l’imprécation que Rubini lançait avec tant de fureur :

Maledetto sia instante !

Au second acte, on trouve encore un fort beau duo, et puis l’air final que chante Edgard expirant au pied du château de sa bien-aimée. Jamais on n’a mieux exprimé que dans cet air délicieux le cri suprême de l’amour, les chastes voluptés et les divines espérances d’un cœur qui assure à un monde meilleur. Le célèbre ténor Moriani a fait courir