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attaque de paralysie, qui se renouvela à Bergame le 1er avril 1848, et l’emporta sept jours après à l’âge de cinquante ans. La ville de Bergame tout entière voulut assistera ses funérailles, qui furent célébrées avec une grande solennité. L’homme aimable et affectueux y fut aussi regretté que le compositeur illustre.

Doux, poli, obligeant, d’un esprit vif et cultivé, d’un commerce agréable, Donizetti justifiait de telles sympathies par son caractère comme par son talent. La famille impériale d’Autriche le traitait presque comme un enfant de la maison, et l’archiduc Charles l’avait admis dans son intimité. Les qualités aimables qui le faisaient rechercher dans le monde, l’auteur de Lucia les portait aussi dans la famille. Il avait conservé une profonde vénération pour la mémoire de son père, dont il gardait pieusement quelques gages de tendresse. Donizetti avait eu plusieurs sœurs et trois frères, dont l’aîné est chef de toute la musique militaire de l’empire ottoman. Il avait épousé, à Rome, la fille d’un avocat de cette ville, qui mourut du choléra en 1835, après quelques années de mariage. Il avait eu d’elle deux enfans qu’il perdit dans un âge encore tendre. Toute son affection s’était reportée sur un frère de sa femme, M. Vasselli, qu’il traitait comme son propre fils. Une vive et délicate organisation d’artiste prêtait un charme nouveau à toutes ces qualités. Donizetti chantait avec goût, comme presque tous les compositeurs italiens, et s’était occupé d’une façon toute spéciale du mécanisme de la voix humaine, sur laquelle il fit même un travail qu’il adressa à l’Institut de France. Il accompagnait dans la perfection, et lisait la musique des autres comme il composait la sienne, avec une facilité incroyable. Extrêmement sensible au succès, il doutait toujours de lui-même et préjugeait mal de l’accueil qu’on ferait à ses ouvrages. Le jour de la première représentation de la Favorite, il alla se promener aux Champs-Élysées jusqu’à une heure du matin, ne voulant pas assister à ce spectacle plein d’angoisses où les inspirations les plus intimes de l’ame sont livrées à la discussion d’une assemblée d’êtres inconnus. Aussi a-t-il été le premier compositeur italien qui ait refusé de paraître à l’orchestre pendant les trois premières représentations d’un opéra nouveau, ainsi que l’exigeait l’usage depuis un temps immémorial.

L’œuvre de Donizetti est considérable. Il se compose d’une foule de morceaux de chant séparés, de cantates, de messes, et de soixante et quelques opéras ; on a aussi de lui, encore inédit, un petit opéra en un acte et la partition du Duc d’Albe, qui n’est pas achevée. Essayons d’apprécier le mérite, de saisir la physionomie de ce musicien brillant et facile, dont la mort prématurée a peut-être empêché le complet développement. Lorsque Donizetti fit ses premiers pas dans la carrière dramatique,