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l’oublia si bien, que jamais il n’en fut dit un mot. Cherchez au Moniteur, je ne pense pas que vous trouviez une mention quelconque de l’encaisse du trésor au 24 février ; on n’en a fait confidence ni au public, ni même à l’assemblée nationale, et, si des indiscrets n’eussent rompu le silence, ces 190 millions seraient encore ignorés.

Nous ne prenons pas la liberté de demander qu’il en soit rendu compte : c’est un soin qui regarde l’assemblée, et dont elle s’acquittera s’il lui convient ; mais nous prions le lecteur de vouloir bien ne pas perdre de vue cette somme. Pour établir quelle était au 24 février la situation du trésor, le premier point à constater, c’est l’encaisse ; or, l’encaisse était, nous le répétons, de 190 millions.

Étaient-ce là les seules ressources que le ministre des finances eût à sa disposition ? Il s’en faut bien.

La compagnie des chemins du nord devait verser au trésor, le 15 avril, une somme de 20 millions environ. L’échéance était au Ier janvier ; mais le ministre, voyant ses caisses bien garnies, avait préféré retarder le versement de trois mois, afin de faire bénéficier l’état d’un intérêt de 3 et demi pour 100 consenti par la compagnie.

Ce n’est pas tout. Les adjudicataires de l’emprunt contracté le 10 novembre, bien qu’ils eussent déjà versé par anticipation une quarantaine de millions, sollicitaient l’autorisation d’effectuer de nouveaux escomptes, et, chose qu’il importe de noter, quelques jours avant le 24 février, le ministre avait refusé de recevoir à ce titre 18 millions, afin de ne pas grever inutilement le trésor d’intérêts.

Si, comme nous le pensons, il est resté trace de ce fait au ministère des finances, si M. Garnier-Pagès a pu difficilement l’ignorer, comment a-t-il permis que dans son rapport du 8 mai on lui fît dire ces mots : « Un emprunt avait été conclu, mais les paiemens étaient échelonnés de telle sorte et à des termes tellement éloignés, qu’il était peu probable de le voir entièrement réalisé. »

Peu probable de le voir réalisé ! et trois mois seulement après l’adjudication, les prêteurs, au lieu de 38 millions qu’ils étaient tenus de fournir, en avaient déjà versé 82 ! et ils demandaient comme une fa- veur d’être admis à en verser encore 18 ! S’il y avait, je ne dis pas une probabilité, mais une certitude, c’est que, long-temps avant l’expiration des derniers termes, l’emprunt tout entier aurait été réalisé.

Au reste, de quoi peut-on s’étonner dans ce rapport, lorsque, quelques lignes plus bas, nous y lisons que ce même emprunt, qu’on ne supposait pas réalisable, sans doute parce qu’il était onéreux, «avait été souscrit à des conditions trop avantageuses pour les prêteurs ?» Concilie qui voudra ces deux propositions.

La seule chose qui nous importe et que nous tenions à établir, c’est que l’emprunt du 10 novembre offrait au ministre une ressource aussi