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l’administration financière de la monarchie de juillet. Nous dresserons le bilan de ses dix-sept années ; nous nous demanderons, pièces en main : Dans quel état a-t-elle trouvé la richesse publique ? dans quel état l’a-t-elle laissée ? qu’a-t-elle coûté à la France ? que lui a-t-elle rapporté ?

Voilà les questions. Abordons-les sans autre préambule.


I. — SITUATION DU TRÉSOR.

Il importe avant tout de constater un fait.

Lorsque les membres du gouvernement provisoire, à peine assis à l’Hôtel-de-Ville, eurent pris connaissance de l’état du trésor, quelle fut leur première impression ? La confiance. Tous leurs actes, toutes leurs paroles en font foi. Notez bien que ce ne fut pas seulement l’affaire de quelques heures, de quelques jours. Non, ce même sentiment persista pendant les deux semaines qui s’écoulèrent du 24 février au 8 mars environ.

Ainsi, le 2 mars, M. Garnier-Pagès, alors maire de Paris, n’hésitait pas à dire à la compagnie des agens de change qui venait le complimenter : « Le gouvernement est en mesure de tenir tous les engagemens pris par le régime déchu. Cela est si vrai, que M. le ministre des finances a pourvu aujourd’hui même au paiement de l’emprunt grec. »

Ce n’étaient donc pas seulement les circulaires de M. Goudchaux qui laissaient voir une sorte de quiétude ; M. Garnier-Pagès lui-même se montrait rassuré et n’avait pas une parole de reproche pour l’ex-monarchie.

Le 4, ce fut mieux encore ; on lut ces mots au Moniteur :

« Considérant que le trésor a dès à présent à sa disposition tout le numéraire nécessaire à l’acquittement des rentes 5 pour 100, 4 et demi pour 100 et 4 pour 100 ;

« Considérant que les dépenses de tous les services sont couvertes par les recettes dont la réalisation est assurée, etc., etc.,

« Le gouvernement provisoire arrête ce qui suit :

« Le paiement du semestre des rentes échéant au 22 mars s’effectuera à dater du 6 mars courant. »

Le 7, toujours même confiance : dans une proclamation adressée aux contribuables, le gouvernement leur dit, à la vérité, qu’ils feront bien de payer leurs impôts d’avance, mais « attendu que la république, pour accomplir de grandes choses, n’aura pas besoin de l’argent qu’absorbait la monarchie pour en faire de misérables, » il estime « que, pour parer à toutes les difficultés financières que la prudence commande impérieusement de prévoir, une simple anticipation dans la rentrée de l’impôt suffira. »