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égyptienne de Champollion. Je crois d’une conviction intime et profonde à la vérité de ces principes, éprouvés par moi sur des milliers d’inscriptions dans divers musées de l’Europe et sur les monumens de l’Egypte et de la Nubie, au milieu desquels j’ai passé plusieurs mois ; mais je ne crois ni à l’infaillibilité ni à la science universelle de Champollion. J’estime que sa Grammaire peut être quelquefois rectifiée, plus souvent complétée, mais j’estime pareillement que, toutes les fois qu’on ne prouvera pas qu’il y a lieu à rectifier ou à compléter cet ouvrage de génie, il faudra provisoirement admettre la vérité des règles établies dans la Grammaire de Champollion par un si grand nombre d’exemples, sauf démonstration d’erreur. Telle me paraît être la conduite que commande l’état actuel de la science. Au-delà, il y a confiance aveugle ; au-delà, il y a, selon moi, méconnaissance d’une découverte susceptible de perfectionnement, mais qui peut déjà être appliquée utilement aux recherches historiques. C’est une application de ce genre que je tente aujourd’hui.

Je dois préciser d’abord les limites dans lesquelles l’emploi de l’instrument dont je vais faire usage doit être restreint, selon moi, pour qu’il puisse inspirer une confiance légitime. Dans l’état actuel de la science, il est une portion des textes hiéroglyphiques qui ne peut se traduire encore avec certitude. Cette portion est de beaucoup la plus considérable ; non que la méthode de Champollion soit ici en défaut, mais c’est que la syntaxe qui doit montrer le lien des phrases n’est pas encore assez bien connue pour qu’il soit toujours possible d’apercevoir leur enchaînement, et surtout parce que notre vocabulaire n’est pas assez riche pour nous permettre d’interpréter toujours soit le sens encore ignoré de certains caractères, soit la valeur de certains mots que nous lisons parfaitement, mais dont la signification ne se retrouve pas dans cette faible partie de la langue copte (dérivée, comme on sait, de l’ancienne langue égyptienne) que nous ont conservée quelques parties de traductions de livres saints et quelques légendes chrétiennes, les auteurs de ces fragmens n’ayant eu ni les moyens ni l’intention de nous faire parvenir tous les mots de la langue égyptienne, surtout ceux qui se rapportaient à des usages oubliés ou à un culte aboli.

Cependant, si l’on doit reconnaître avec sincérité que la lecture d’une portion considérable des textes égyptiens n’est pas encore possible, on peut affirmer avec assurance qu’il est une autre portion de ces textes dont l’intelligence est certaine. C’est à cette partie comparativement restreinte des textes hiéroglyphiques, c’est à elle seule que je m’adresserai. J’écarterai tout ce qui serait susceptible d’une interprétation douteuse ; je ne m’appuierai que sur des traductions de formules très fréquentes, de phrases courtes et claires dont le sens ne saurait offrir aucune incertitude à tous les savans qui reconnaissent l’autorité des