Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’autorité de ses décisions, comme le fit Gluck dans une circonstance solennelle. Le padre Martini, qui mourut plein de jours le 4 août 1784, eut aussi l’honneur de bénir et de couronner l’enfance miraculeuse de Mozart. L’auteur de Don Juan était âgé de quatorze ans, lorsqu’il reçut des mains de ce vénérable savant, en 1770, le diplôme de membre de l’académie philharmonique de Bologne.

Lors de la suppression des couvens en Italie dans l’année 1798, l’abbé Mattei, qui avait reçu de son maître le dépôt des bonnes traditions, fut réduit à vivre dans la retraite avec sa vieille mère, en donnant des leçons de composition. Son enseignement acquit bientôt de la célébrité. Un lycée communal de musique ayant été créé à Bologne en 1804, l’abbé Mattei y fut nommé professeur de contre-point. C’est dans cet établissement et sous l’excellente discipline de l’abbé Mattei qu’ont été élevés un grand nombre de compositeurs célèbres de notre siècle, Pilotti, Tesei, Tadolini, Morlachi, Pacini, Rossini et Donizetti. On nous assure que, depuis son retour à Bologne, Rossini consacre une partie de ses loisirs à raviver les études d’une école qui a été le berceau de son génie. Ainsi, à trente ans d’intervalle, on vit arriver dans la ville de Bologne et s’incliner devant les docteurs de la tradition ces deux enfans prédestinés, qui devaient étonner le monde et se succéder dans l’histoire de l’art en créant, l’un, le Mariage de Figaro et Don Juan, l’autre, le Barbier de Séville et Guillaume Tell.

C’est en 1815 que Donizetti se rendit également à Bologne. Rossini s’en était échappé depuis plusieurs années, et son Tancrerdi avait déjà popularisé son nom. Après trois ans d’études, Donizetti s’élança aussi dans la carrière et débuta à Venise, en 1818, par un opéra intitulé Enrico di Borgogna, qui fut accueilli avec faveur. Il avait alors à peine vingt ans. En 1822, il écrivit à Rome Zoraïde di Grenata, et dut au succès éclatant de cet ouvrage d’être exempté de la conscription, comme sujet autrichien. Il parcourut ainsi successivement différentes villes d’Italie, improvisant partout des partitions nouvelles avec cette incroyable facilité que possèdent la plupart de ses compatriotes, facilité qui enfante quelquefois des chefs-d’œuvre à jamais admirables comme la Nina de Paisiello et le Mariage secret de Cimarosa, mais qui le plus souvent énerve les natures les mieux douées.

En 1831, Donizetti, se trouvant à Milan en même temps que Mme Pasta, Rubini et Galli, composa pour ces trois célèbres virtuoses l’opéra d’Anna Bolena, qui fait époque dans l’histoire de son talent. Cet ouvrage obtint un très grand succès, malgré la présence de Bellini et l’enthousiasme que venait d’exciter son petit chef-d’œuvre de la Sonambula, écrit aussi tout récemment pour la Pasta et Rubini. Donizetti et Bellini se disputaient dès-lors la couronne que Rossini venait d’abdiquer et de rejeter loin de lui comme un poids importun. En