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sans participer toutes aux travaux de la culture. La classe des agriculteurs qui ne sont pas propriétaires comprend les fermiers et les métayers fournissant plus de 2 millions de familles, et environ 400,000 familles d’ouvriers ruraux, sans autre ressource que leur salaire éventuel, et tombant une partie de l’année à la charge de la bienfaisance publique[1].

Le revenu, évalué à plus de 2 milliards, représente la rente foncière afférente au propriétaire du sol, et non pas le produit rémunératoire du travail. Le plus souvent, le campagnard en possession d’un petit champ n’a d’autre ouvrier que lui-même : tout fier, à la fin de l’année, de recueillir 3 ou 400 francs par hectare, il ne remarque pas que les quatre cinquièmes de cette somme sont le salaire de ses peines, et qu’il eût gagné tout autant en s’engageant à la journée sur le champ d’autrui. Toutefois, comme celui qui travaille pour lui-même apporte une ardeur et un soin qu’on ne peut pas exiger d’un mercenaire, la part du produit dû au capital en est certainement augmentée. Aussi, dans le tableau qui précède, on attribue aux terres cultivées par de petits propriétaires avec des ressources suffisantes une rente beaucoup plus forte que le fermage obtenu par les capitalistes qui n’exploitent pas.

La statistique agricole doit donc distinguer soigneusement, 1° la rente résultant du droit de propriété, 2° le profit du spéculateur, 3° la rémunération du travail manuel. La majorité des habitans de la campagne cumule, dans une proportion plus ou moins forte, ces trois genres de revenu, les uns en travaillant uniquement pour leur propre compte, les autres en utilisant alternativement leurs bras sur leur propriété et sur celle d’autrui. Les capitalistes qui vivent uniquement de la perception d’un fermage, comme les journaliers qui n’ont que leur salaire, forment deux minorités extrêmes. Ces faits ressortent du tableau de la distribution du sol par rapport au mode d’exploitation.

  1. Pour compléter le tableau de la société française, j’ajouterai, en reproduisant les évaluations des hommes compétens, qu’il y a :
    450,000 familles riches et bien assises, faisant leur séjour habituel dans les villes, quoique possédant le plus souvent des propriétés rurales ;
    660,000 familles dépendantes de l’état par des emplois civils ou militaires, et réunissant parfois à leurs fonctions les avantages de la propriété ;
    900,000 familles dénuées de propriété, vivant dans les villes par l’exercice d’une industrie exercée pour leur compte ou moyennant salaire ;
    800,000 familles en dehors des catégories ci-dessus énoncées, et comprenant les existences incertaines, petits rentiers, petits pensionnaires, classe flottante des gens sans état et sans ressources.
    2,810,000 familles urbaines à raison de 4 têtes par ménage, ou 11,240,000 individus.
    4,800,000 familles rurales, à raison de 5 têtes par ménage, ou 24,000,000
    7,610,000 familles, ou 35,240,000 individus.