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départemens.
Ces territoires représentent une superficie égale à la valeur moyenne de 4
Les terres dans de bonnes conditions de fertilité (Normandie, Flandre, Picardie et cantons divers disséminés dans les autres régions) équivalent à 23
Terres passables 46
Terres de médiocre qualité 25
Espaces inexploitables (territoires urbains, voies publiques, bâtimens, cours d’eau, terres complètement stériles) 18
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Ces catégories indiquent ce qui est présentement et non pas des conditions de culture absolues et invariables. Bien que certains fonds soient naturellement plus favorisés, ces différences essentielles peuvent être modifiées en bien ou en mal par le régime agricole, de même que le naturel des hommes est transformé par l’éducation ou le genre de vie. En thèse générale, la valeur d’un domaine est déterminée par la somme des avances qu’on a faites au sol en sucs nutritifs, en amendemens, en plantations, en moyens de transport, en manipulations de toutes sortes, et ce fait, qu’il ne devrait pas être permis d’ignorer, est le plus ferme démenti donné à la dangereuse théorie qui proscrit la rente de la terre comme un monopole gratuit.

Le trait caractéristique de l’agriculture française est la division infinie de la propriété. Les révolutionnaires de 1789 avaient compris qu’un nouvel ordre social ne peut être établi que sur des intérêts nouveaux. La vente des biens nationaux émietta entre les mains de 1,222,000 personnes 30,000 grands domaines provenant du clergé, de la noblesse, des fonds domaniaux ou communaux. La loi de succession acheva de décomposer les anciens patrimoines. A la chute de l’empire, pour 40,000 cotes foncières au-dessus de 500 francs, on en comptait 8,025,000 représentant eu moyenne un immeuble de 1,200 à 1,500 francs en capital. Pendant les dix années qui suivent, la spéculation, habile à exploiter l’esprit de parti, préconise comme une œuvre patriotique la pulvérisation des derniers fonds de terre. Chaque fois qu’une grande propriété est mise en vente, des compagnies se forment pour l’acheter et la revendre par petits lots avec d’énormes bénéfices. On surexcite ainsi l’instinct d’accaparement, d’autant plus énergique chez les gens de la campagne qu’ils sont plus grossiers. Si pauvre que soit une succession, le partage est effectué, non par des compensations en argent, mais par l’égalisation matérielle des lots. « Chacun s’obstine, est-il dit dans une enquête officielle, à vouloir une portion dans chaque espèce de biens, dans chaque champ, dans chaque pré, dans chaque vigne, même dans la grange et la maison d’habitation. »

Cette manie est le fléau de l’agriculture française. Elle a produit ce