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interdits et se retiraient effrayés, non-seulement pour eux-mêmes, mais pour ceux de leurs maîtres qu’ils savaient compromis.

Le mal alla plus loin. Parmi les incendiaires qui tombèrent entre les mains des gendarmes, plusieurs déclarèrent être sortis de Mantoue et avoir reçu des secours de la police de cette ville, à la condition de se rendre dans le Milanais et de semer la discorde parmi les Lombards. La justice ne poursuivit pas ces hommes, et plusieurs d’entre eux furent rendus à la liberté après quelques jours d’emprisonnement.

Il est, à peu de lieues de Milan, une manufacture de poudre connue sous le nom de poudrière de Lembrate. Tout à coup, au commencement du mois de mai, pendant que personne, à Milan, ne songeait à l’approche possible des Autrichiens, l’on apprit, un matin, que la poudrière de Lembrate avait été attaquée, pendant la nuit, par une bande d’Autrichiens déguisés. Qui donc les avait guidés ? comment s’étaient-ils avancés jusqu’aux portes de Milan, et comment n’avait-on pas été informé de leur passage ? Ce mystère demeura inexpliqué, et le directeur de la police se renferma dans un dédaigneux silence. Un autre jour, la générale se fit subitement entendre, et les gardes nationaux se précipitèrent rapidement vers la porte Nuova, où est située la geôle de la ville. Cinq cents détenus pour vols et pour assassinats s’étaient trouvés inopinément armés, les poches remplies de munitions, et, après s’être emparés des gardiens et les avoir renfermés à leur place, ils s’étaient barricadés, et, menaçant de tirer sur quiconque ferait mine d’approcher, ils s’efforçaient de s’évader. La garde nationale eut bientôt fait justice de cette révolte, et, après avoir réintégré ces misérables dans leurs prisons, elle déféra les gardiens à la justice, comme coupables d’avoir fourni des armes aux détenus et favorisé leur tentative d’évasion. Les soupçons paraissaient d’autant mieux fondés, que tout le personnel de l’administration des prisons était demeuré le même, et que l’on avait trouvé beaucoup de pièces de monnaie autrichienne dans les poches des détenus et de leurs gardiens. Malgré tant de graves indices, on ne donna aucune suite à cette affaire.

Les finances ne furent pas mieux administrées que la police. Le premier soin du gouvernement devait être de se procurer de l’argent, des soldats et des armes. Le trésor était tellement épuisé lors du départ des Autrichiens, que, neuf jours après cet événement, l’échéance de l’intérêt de la dette força le fisc à faire banqueroute. L’accident ne fit aucun bruit, car les créanciers étaient les Milanais eux-mêmes, et ils attendirent sans impatience ni clameurs que le numéraire fût rentré dans les caisses du trésor. Afin de subvenir aux dépenses nécessaires, le gouvernement ouvrit un emprunt volontaire et une souscription pour les offrandes que les citoyens lui apporteraient. L’emprunt ne devait d’abord rapporter aucun intérêt ; mais, plus tard, comme le chiffre