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et homme d’une rare capacité en matières administratives ; le comte Giulini ; l’un des Mécènes de la Revue européenne et l’un des chefs d’un parti ou plutôt d’une petite école dite des humanitaires ; le comte Alexandre Porro, jeune naturaliste de mérite et collaborateur de M. le comte Giulini ; M. Baretta, administrateur assez intelligent, mais généralement connu pour son attachement à la maison d’Autriche et à son système ; le comte Pompée Litta, homme d’une rare distinction : tels furent les principaux collègues de MM. Casati et Borromeo. Autour d’eux vinrent se grouper les représentans des villes qui, ayant, comme Milan, chassé les Autrichiens, avaient envoyé leur adhésion au gouvernement de la métropole, au gouvernement provisoire de la Lombardie.

Peut-être, en lisant les noms des membres du gouvernement provisoire et des représentans des villes lombardes, a-t-on pensé qu’il y eut à Milan et dans les autres villes une sorte d’élection populaire qui attribua à quelques hommes le pouvoir souverain. Qu’on se détrompe : pendant que le bruit des canons, des fusils, du tocsin et du tambour ; remplissait l’air, pendant que la mort parcourait nos rues et que les destinées de l’Italie étaient en question, la plupart des hommes que nous venons de nommer se rendirent au palais Marino, se distribuèrent les rôles et se partagèrent le pouvoir. Ils ont souvent répété que, si le succès eût favorisé les Autrichiens, leurs vies eussent été les premières sacrifiées. Il est certain que l’Autriche eût sévi contre des hommes qui auraient franchement pris l’attitude et le rôle de chefs révolutionnaires ; mais, supposons qu’ils se fussent abstenus, pendant la lutte, de toute mesure hostile aux intérêts autrichiens : ne pouvaient-ils pas justifier leur conduite devant un ennemi vainqueur en se donnant comme des sujets fidèles qui s’étaient dévoués pour assurer l’ordre et contenir la fureur populaire ? Je ne dis pas que telle ait été la pensée des membres du gouvernement provisoire ; je tiens seulement à établir que le peuple n’a pas été appelé à les choisir, et que leur cause ne fut jamais confondue avec la sienne.

Le chef de la police, le baron Torresani, s’était échappé avec le reste de l’administration autrichienne. Il fallut donc réorganiser la police, et l’on s’y prit fort mal. Un ancien médecin de Padoue, aujourd’hui précepteur dans une famille vénitienne établie à Milan, homme d’esprit, mais d’un esprit superficiel et léger, point méchant, point capable, à mon avis, d’une trahison, égaré seulement par une vanité excessive, fut placé à la tête de la police. Jamais emploi n’exigea un plus rare mélange de pénétration, d’adresse et de fermeté ; jamais homme ne fut moins propre à le remplir que le nouveau directeur de la police milanaise, le docteur Fava.

Parmi les représentans que les villes révoltées envoyèrent à la métropole, l’un d’eux était connu de tous pour son attachement à la maison d’Autriche, et un autre ne l’était pas moins pour ses opinions