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contestations judiciaires. Il importe donc, surtout en présence des périls que le morcellement des terres fait courir à la culture coloniale, de poser une fois pour toutes les règles de la matière. Ce sera le cas de tenir compte des sages prescriptions mentionnées dans la circulaire de lord Glenelg. Ces prescriptions, dans leur application, seront nécessairement sujettes à quelques modifications commandées par les circonstances locales ; elles doivent varier, en effet, selon la qualité et les produits du sol, la proximité des villes et des rivières, les progrès et la plus ou moins grande densité de la population.

Nous ne nous dissimulons pas les reproches qu’on peut adresser à un pareil système. On ne manquera pas de dire que la propriété est la base fondamentale de tout état social, et que, si l’on veut que les nouveaux affranchis prennent des habitudes d’ordre et régularisent leur vie, il faut, loin de les éloigner de la propriété, la leur rendre plus accessible. L’individu qui possède est animé d’un sentiment de conservation ; le désir de faire respecter ses droits le rend observateur de ses devoirs envers autrui ; il est naturellement porté au travail, parce que ce qu’il produit lui donne une jouissance immédiate ; il se crée une famille et accepte facilement les obligations qu’elle lui impose, car, pour les remplir, il a son champ et ses bras. — Cette objection est sérieuse et mérite d’être pesée. Les restrictions dont nous venons de parler ne seraient nécessaires que pendant les premières années qui suivront l’affranchissement. On pourrait, d’ailleurs, les atténuer beaucoup, lorsque le noir acquéreur s’obligerait, par exemple, à cultiver la canne à sucre sur une partie de sa propriété située à la proximité d’une usine centrale où il vendrait ses récoltes, car dans ce cas il serait dispensé des dépenses de fabrication qui sont hors de ses moyens. Nous mentionnons cette dernière circonstance, parce qu’à la Guadeloupe et à la Martinique il existe, dans quelques communes, des établissemens qui prennent à leur charge le travail purement industriel, et ne laissent au propriétaire que le travail agricole. Là où ces ateliers communs fonctionnent, les inconvéniens de la petite propriété sont très diminués, et l’on peut sans danger lui donner plus de facilités de se créer.

A-t-on songé à ces conditions, qu’il n’est pas permis de négliger, si l’on veut sérieusement poser les bases de la nouvelle société coloniale ? Il nous paraît impossible que les personnes qui, à différens titres, sont chargées de l’administration des colonies, si elles ont été consultées, ne les aient point signalées à l’attention du gouvernement.


IV.

Enfin, il est une dernière mesure sans laquelle on se flatterait en vain de conserver le travail dans nos possessions d’outre-mer : nous