Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/765

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Est-il dans l’intention du gouvernement de renoncer aux colonies que nous possédons ? Croit-il qu’elles nous sont plus onéreuses que profitables, et qu’une fois l’émancipation accomplie nous n’avons plus à nous préoccuper d’aucun devoir envers elles ?

Il fut un temps, de 1820 à 1830, où l’opposition avait répandu dans le pays des opinions hostiles à tout établissement colonial. On soutenait que les métropoles supportaient pour leurs colonies des charges sans compensation équivalente, que des possessions lointaines ne s’incorporaient jamais assez intimement à un gouvernement, pour que leur dépendance n’exigeât pas de grands efforts administratifs ; c’était, disait-on, une cause d’affaiblissement plutôt qu’une force extérieure, par la nécessité où l’on était de prévoir constamment l’éventualité d’une guerre et d’aviser aux moyens de conserver ces territoires éloignés. A l’appui de cette thèse, on citait les États-Unis comme preuve qu’une nation peut être puissante sur les mers sans établissemens coloniaux, et l’Angleterre, dont le commerce s’est développé par la perte de ses anciennes possessions de l’Amérique du Nord.

Nous croyons que ces idées ont fait leur temps. Dépouillées de la forme absolue d’un système, elles sont aujourd’hui envisagées d’une manière plus exacte. On a reconnu que l’exemple des États-Unis était sans valeur dans le débat. On conçoit en effet que les États-Unis n’aient pas cherché à se créer au loin des colonies. Est-ce que leur position géographique entre les deux Océans, est-ce que cette union d’états distincts de mœurs, d’habitudes, dont ils se composent, est-ce que leurs populations si différentes par leur vocation et leur aptitude : les unes participant à l’activité industrielle, les autres au travail de culture le plus perfectionné ; est-ce que ces circonstances ne leur donnent pas le double avantage d’un état continental et d’une puissance coloniale ? Quant à l’Angleterre, elle a depuis 1830 prouvé à ceux qui désiraient lui emprunter des argumens anti-coloniaux qu’elle était loin d’adopter leurs théories. Sa politique n’a pas cessé d’être dirigée dans un sens diamétralement opposé. Elle a non-seulement étendu, dans des proportions gigantesques, son empire de l’Inde, mais, de plus, elle s’est efforcée, par des sacrifices de tout genre, par des combinaisons qui témoignent de son génie colonisateur, de créer à son profit, dans la Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Zélande, deux établissemens coloniaux qui n’ont rien d’analogue dans l’histoire des peuples. En même temps qu’elle se livrait à ce mouvement extérieur, la Grande-Bretagne a veillé d’un œil plein de sollicitude sur ses anciennes colonies, et n’a rien négligé pour conserver en elles des élémens d’ordre et de progrès. Chaque jour, elle introduit des améliorations dans ses rapports avec elles, et resserre leurs liens de dépendance par la rapidité des communications. La thèse a donc perdu de son autorité, et peu d’esprits, de nos jours, soutiennent l’opinion contraire au système colonial.