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vis-à-vis d’une population retenue trop long-temps dans la servitude, on s’est également occupé de sauvegarder les droits déjà existans et les intérêts de notre commerce maritime, si intimement liés à la prospérité de nos colonies.

Le rapport de M. Schœlcher respire une sécurité effrayante ; il déclare qu’il n’y a pas lieu de craindre la cessation du travail. La commission a entendu des noirs, résidant à Paris, qu’lui ont assuré « qu’après un premier moment donné au repos, les nouveaux affranchis reviendront à leurs anciennes occupations, s’il leur est offert un équitable salaire. » Voilà la seule garantie qu’on nous donne pour la conservation du travail ! L’optimisme n’a jamais été poussé plus loin.

Nous regrettons que les décrets qui ordonnent la création de nouveaux hospices, de salles d’asile, de crèches, d’écoles, d’ateliers de travail, d’ateliers de répression, ne portent allocation d’aucun crédit pour l’exécution. Cette omission est expliquée, dans le rapport de la commission, par la certitude « que tous ces projets n’imposeront aucune charge nouvelle à l’état. » C’est sans doute parce que l’on compte que les colonies seront en mesure d’y pourvoir par leurs ressources locales ; mais, hélas ! cette attente devait être de courte durée : les budgets coloniaux viennent de voir tarir la source de leurs recettes, et le ministre de la marine a dû demander à l’assemblée nationale une subvention d’un million pour venir à leur secours. Il est donc plus que probable que ces fondations indispensables resteront long-temps encore à l’état de projet.

La commission des affaires coloniales, après plusieurs années d’études, avait moins de confiance que la commission présidée par M. Schœlcher. Elle croyait qu’après l’émancipation, la société coloniale exigerait, pour le service de la force armée, les tribunaux, les prisons, les écoles, les institutions de bienfaisance, le culte, une dépense de 7,364,000 francs, qui se réduirait insensiblement à un crédit annuel beaucoup moins considérable[1]. Depuis 1845, il est vrai, une certaine somme a été employée à commencer une partie des institutions dont il était question dans ce programme ; mais l’œuvre n’est qu’entamée, et la proclamation subite et immédiate de l’abolition de l’esclavage rendait indispensable qu’on s’assurât les moyens de la compléter au plus tôt.


II.

Le décret du 27 avril pour l’affranchissement de la population non libre des colonies réserve à l’assemblée nationale le soin de régler l’indemnité qui devra être accordée aux colons. Une commission a été instituée pour préparer ce travail. Le résultat de ses études n’a pas été publié, mais elle a mis le gouvernement en mesure de faire à ce sujet

  1. Rapport de M. le duc de Broglie, p. 129.