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cassant les vitres quand on n’éteignait pas. Jamais la mobilité de ce peuple impressionnable ne s’était manifestée par un plus soudain changement.

Le lendemain, grand meeting de mécontens, gens de toute couleur et de toute classe. Prague veut à son tour avoir les devans sur Vienne ; elle veut que la constitution soit une vérité. On propose, on discute, on accepte une seconde adresse, qui réitère l’expression des vœux du 11 mars, en insistant avec plus de vigueur sur les plus essentiels. « Le rescrit impérial, était-il dit, pose en principe qu’il doit appartenir aux états de donner une décision sur les différens articles de l’adresse du 11 mars. Ce principe éveille d’universelles inquiétudes, parce que, d’après le rescrit lui-même, les états, quoique élargis par l’introduction des députés élus dans les villes, demeurent toujours basés sur la Landesordnung, et ne sont ainsi, même avec ce premier progrès, qu’une institution du moyen-âge incapable de suffire aux besoins de l’époque. Il n’y a qu’une représentation fidèle de la nation tout entière qui puisse rassurer le pays sur tous ses intérêts. » On réclamait donc plus vivement que jamais l’indissoluble alliance des contrées qui relevaient de la couronne de Bohême, leur autonomie pour leurs affaires intérieures, et, comme article organique de leur charte commune, la complète égalité des deux nationalités tchèche et allemande. On réclamait la plus large extension possible du droit d’élire et du droit d’être élu, afin d’avoir, au moyen de ces élections, un vrai parlement qui fît des lois et consentît l’impôt ; on réclamait un ministère responsable qui siégeât à Prague et s’appliquât au gouvernement particulier du royaume : c’étaient les Irlandais demandant le rappel de l’union. Le comité démocratique envoya de nouveau cette pétition à Vienne, en y joignant encore celle des étudians. Trois docteurs en droit ou en philosophie, deux couvreurs, un architecte, le cafetier Faster, furent, à cette fin, députés vers l’empereur.

La position devenait difficile à Prague ; le comte Stadion se trouvait de plus en plus embarrassé. Les bourgeois démocrates ne formaient pas seulement une opposition politique, ils constituaient un parti national, ils mettaient leur radicalisme au service de leur nationalité. Sûrs de l’influence que leur valait ce double rôle, ils forçaient la main au burgrave. Le comité national refusait de se dissoudre devant le comité officiel de la municipalité ; il obligeait le comte Stadion à signer lui-même la seconde adresse, et répondait à ses plaintes par des proclamations hautaines. Celui-ci, ne pouvant arrêter le cours incessant de l’émancipation, travaillait du moins à le contenir en lui ouvrant des voies régulières. Il nommait une commission de vingt-quatre membres pour étudier d’avance les questions qui devraient être débattues dans les états : Palazky et Schafarik étaient les guides de cette commission