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monde blâma, dit M. de Rovigo, cette manière de refuser. » Sous ce rapport, l’ex-ministre peut avoir raison ; « mais, ajoute-t-il, cette désapprobation ne suffisait pas, on fut obligé de rendre compte du fait à l’empereur, et Mme de Chevreuse fut exilée. » Ceci devient un peu plus fort ; voici qui est mieux. « J’ai été, dit le ministre, sollicité pendant trois ans pour demander son rappel, et j’avoue que je ne concevais pas que l’on mît tant de bassesse à le demander après s’être conduit avec tant d’insolence. » Ainsi, pour M. de Rovigo, la bassesse consiste à réclamer pendant trois ans contre la violation de sa liberté au mépris de toute espèce de justice, car quel est celui des décrets impériaux ou des sénatus-consultes, si nombreux qu’ils soient, qui autorise à exiler pendant trois ans les gens coupables d’avoir refusé même impoliment une fonction qui ne leur convenait pas ?

Avec de telles notions du droit, comment s’étonner que M. de Rovigo voie dans la guerre d’Espagne, non-seulement un acte de baute politique, mais une grande et bonne action ? « Tout le mal, dit-il, a été dans la forme. » Qu’un général enlève à la baïonnette un vieux pontife, qui n’a d’autre défense que la majesté de ses années et de sa tiare, qu’on le mette dans une malle-poste fermée à clé, et qu’on l’amène à Fontainebleau, où on le met également sous clé comme un conscrit réfractaire, et tout cela parce que ce vieillard refuse de consentir à ce qu’on lui prenne ses états et qu’on dirige sa foi, — notre ministre de la police trouve que c’est la chose la plus naturelle du monde ; le pape n’est pour lui qu’un vieux rebelle entêté et imbécile. « Le conclave le canonisera peut-être, dit-il agréablement, mais l’histoire le jugera. » A côté de cette politique d’estafier, plaçons ces terribles paroles de M. de Chateaubriand : « Le pape entra dans le château (Fontainebleau), il y fit entrer avec lui la justice céleste ; sur la même table où Pie VII, appuyait sa main défaillante, Napoléon signa son abdication. »

M. de Rovigo est curieux à étudier dans ses idées sur la liberté religieuse. Ainsi un cardinal, un grand-vicaire et quelques prêtres s’avisent d’avoir dans leur poche la bulle d’excommunication lancée par Pie VII contre les violateurs de son droit et de sa personne. « Dans tout autre pays qu’en France, dit le ministre avec un aplomb merveilleux, le gouvernement eût puni ces prêtres comme des ennemis du repos public, mais on se contenta de les enfermer comme des fous dangereux. » Plus loin, Napoléon assemble un concile, mais le concile ne marchait point au pas. « C’est alors seulement, dit M. de Rovigo, que l’empereur m’ordonna de tourner les regards de mon administration vers le concile qu’il m’avait expressément recommandé de laisser à lui-même.... » Le ministre se mit sur-le-champ à chercher pourquoi le concile va mal. « J’en trouvai bientôt le motif, dit-il, dans l’influence funeste qu’avaient prise sur leurs collègues trois ou quatre évêques... Je reçus