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opposition et son pouvoir, sa paix et ses orages, qu’on peut établir cette association habituelle des citoyens au gouvernement, qui est l’essence même de la république, leur donner ce respect du devoir personnel et du droit d’autrui, seule limite morale des droits politiques illimités. De vastes, de vraies libertés communales ont toujours été partout, le bon sens comme l’histoire le disent, la préparation nécessaire des grandes libertés républicaines. La commune doit être, dans une république, l’image de l’état en miniature, l’école et l’apprentissage des citoyens. Ce n’est aussi qu’en débarrassant l’autorité supérieure des tracas de toutes les affaires locales, en la réduisant strictement, sévèrement, étroitement à la protection des intérêts généraux ; ce n’est qu’en partageant la responsabilité entre l’autorité centrale et les autorités inférieures, qu’on fera dans une république un pouvoir exécutif digne de ce nom, c’est-à-dire qui puisse et qui exécute quelque chose. Un tel pouvoir aurait moins de droits sur le papier sans doute, mais il aurait aussi moins de devoirs, et l’un compenserait l’autre. La force, dans le monde moral comme dans le monde physique, est une question d’équilibre et de proportion, et l’on est plus riche avec un patrimoine borné, mais libre de charges, qu’avec de vastes domaines hypothéqués à des créanciers exigeans à deux ou trois fois leur valeur. Je n’ignore pas, encore une fois, combien de gens en France répugneraient à entrer dans un tel ordre d’idées et à porter la hache dans le grand arbre de la centralisation, à l’ombre duquel nous vivons en repos depuis tant d’années ; mais, encore une fois aussi, ce n’est pas nous qui le demandons, c’est la république qui l’exige : c’est la seule manière de rendre son action régulière, pour ne pas dire supportable, dans un grand état.

Nos législateurs en ont jugé autrement, et, comme si ce n’était pas assez de sa faiblesse naturelle, ils ont semé sur la route de leur pouvoir exécutif les obstacles de tout genre ; ils ont encore embarrassé de lisières ses faibles bras. Ils n’ont rien préparé pour l’émancipation des communes ; mais, dans chaque commune, ils font élire le maire parle conseil municipal, de sorte que les agens directs du pouvoir central, intermédiaires nécessaires pour l’exécution de ses actes, et qui n’agissent eux-mêmes que sous sa responsabilité, ne relèveront de lui ni à leur origine ni pendant toute la durée de leur mandat. Chaque point du sol sera hérissé ainsi d’une petite autorité, soumise de nom, libre de fait, pouvant se faire, par la résistance, de la popularité personnelle, ou rejeter, à son choix, sur son supérieur l’impopularité de son obéissance. En face de l’autorité exécutive, ils élèvent, dans chaque préfecture, un tribunal administratif pour décider en dernier ressort ; entre elle et les particuliers, toutes les questions litigieuses, lui superposant ainsi, de département en département, autant de parlemens de Paris au petit pied, à peu près inamovibles, qui pourront la citer, sur la