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de démonstration aujourd’hui. Ce n’est pas sans doute avec un matin plaisir, indigne d’un bon citoyen, mais c’est avec la douloureuse satisfaction de voir confirmer une opinion déjà ancienne sur l’état de la société, qu’on entend aujourd’hui nos révolutionnaires d’hier abjurer les unes après les autres, à la tribune, des erreurs qu’il leur plaît de qualifier de chevaleresques, et balbutier d’une voix inexpérimentée des vérités conservatrices qui, sous une forme plus éloquente, nous étaient depuis long-temps familières. Si le gouvernement provisoire lui-même était presque devenu, sur ses derniers jours et dans son langage officiel, un gouvernement conservateur, qui pourrait se flatter d’échapper à cette nécessité commune ? Les prisons politiques qu’il a été obligé de rouvrir, qui pourrait se bercer de l’espoir de les fermer ?

Il est donc inutile de s’en défendre, c’est la répression, avant tout, que le public désire aujourd’hui. Il la demande, comme il sait demander les choses quand il les veut, de manière à ne pas être impunément désobéi, et chacun s’empresse déjà de servir à sa façon ce maître impérieux, sans regarder de trop près à la délicatesse des moyens. Si la constitution satisfait et régularise en même temps l’élan de répression qui nous entraîne ; si, en constituant une autorité qui puisse commander et prévoir, elle dispense la société de passer son temps à se battre et à sévir, ne lui en demandons pas davantage : elle sera justement populaire, elle sera vraiment républicaine, car la république ne peut se fonder en restant sourde au cri de toute la France. Mieux que tout cela encore, elle sera vraiment libérale, car qui peut douter désormais, dans les tristesses de l’état de siège, que la cause de l’ordre et celle de la liberté soient solidaires ? Si, au contraire, elle n’a pris aucune mesure pour arriver à ce résultat ; si aucune de ses dispositions n’atteste le moindre sentiment de l’état présent des esprits et des violentes nécessités publiques ; si à une situation inouïe dans le monde elle n’oppose que des idées dont l’impuissance a été vingt fois démontrée ; si, tandis que la France entière bivouaque en armes sur la place publique, elle a l’air de sortir, toute poudreuse encore et tout étonnée, d’un vieux carton de journal où on l’aurait oubliée depuis cinquante ans, n’attendons rien d’elle, ne lui promettons ni vie ni durée ; ne nous flattons pas qu’elle nous donne même le repos qu’on peut goûter sous la tente : la guerre continue, restons sous les armes.

Pour accomplir au moins une partie de cette tâche, deux conditions, et ce n’est pas trop demander, seraient nécessaires à la constitution nouvelle. Il faudrait qu’elle nous donnât un pouvoir véritablement exécutif et une représentation véritablement nationale. Elle devrait déposer le fardeau de la défense habituelle et quotidienne de la société, non-seulement de la police extérieure et de la tranquillité des rues, mais l’initiative et la direction de l’esprit public, mais la prévoyance