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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 août 1848.

Nous ne sortons pas des orages ; quand nous ne les avons point sur la tête, nous les avons en perspective. L’histoire de cette quinzaine est uniquement l’histoire de deux difficultés en train, deux grandes difficultés qui se sont produites l’une au dehors, l’autre chez nous, qui de jour en jour, d’heure en heure, se sont compliquées et grossies, qui restent, pour ainsi dire, suspendues dans l’air d’ici à un avenir plus ou moins prochain, qui aboutiront on ne sait à quoi ni par où, qui jusque-là dominent et assombrissent la situation intérieure du pays comme la situation générale de l’Europe. On voit que nous voulons parler de la discussion du rapport présenté par la commission d’enquête et de l’arrangement des affaires d’Italie.

Comment en effet parler d’autre chose, et qui donc maintenant aurait l’esprit ailleurs ? On assure pourtant qu’il y a de nouveau quelques tentatives heureuses d’activité commerciale ; l’emprunt a fini de se placer, et tout le monde rend justice à l’habile décision avec laquelle M. Goudchaux relève ainsi, coûte que coûte, le crédit national ; il n’est personne non plus qui ne reconnaisse comme un motif de confiance l’attitude de la puissante maison dont le concours était si nécessaire à cette opération difficile, et dont l’intelligence financière, dont le sang-froid politique n’a pas un seul instant failli durant une si longue crise. D’autre part, les élections municipales ont amené sur presque tous les points de la France des hommes d’un caractère très rassurant ; la France revient petit à petit de la surprise de février, et elle choisit à loisir entre les personnages passablement hétérogènes et fort souvent extraordinaires dont l’avait pourvu la victoire qu’on lui jurait qu’elle avait gagnée. Enfin notre Paris voudrait reprendre les dehors de sa civilisation d’habitude : les tentes qui couvrent çà et là ses rues ne sont pas encore levées, mais cet appareil militaire ne lui déplaît pas trop ; nous sommes de libres citoyens qui dormons assez volontiers sous la protection du sabre ; puis les étrangers reviennent, les théâtres se sont rouverts et le public y va.