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pierre d’un prix inestimable. Le rubis spinelle el le rubis balais sont loin d’avoir la même valeur. Un beau spinelle, dont le poids dépasse 4 carats, ne vaut qu’environ moitié autant qu’un diamant du même poids.

Les corindons télésies, dont nous venons de parler, ont été long-temps regardés comme des productions spéciales de l’Inde et de l’ile de Ceylan, Il paraît certain, en effet, que celles de ces pierres que leur volume et leur pureté rendent propres à la parure proviennent toutes de ces localités. Mais l’espèce minéralogique se retrouve dans un grand nombre d’autres gisemens, presque toujours placés dans le voisinage de formations géologiques, basaltiques ou trappéennes. En Europe, l’île de Naxos, les environs de Bilin et de Méconitz, certaines roches du Saint-Gothard, présentent en grand nombre des échantillons d’un très petit volume. En France, les ruisseaux d’Expailly, près du Puy-en-Velay, et quelques points des côtes de Bretagne, découverts par M. Cordier, possèdent de petits cristaux de télésie, en rubis, en topaze et en spinelle.

La nature semble s’être amusée à contrefaire elle-même les gemmes orientales. Celles-ci, avons-nous dit, sont presque entièrement composées d’alumine ; cette substance, en se combinant avec la silice, et quelquefois aussi avec l’acide fluorique ou borique, reproduit en quelque sorte la série précédente. Nous retrouvons ici les teintes diverses du rubis, de l’émeraude, de la topaze, mais non plus le même éclat ni la même dureté. De plus, ces silicates, ces fluo-silicates, etc., sont bien plus abondamment répandus dans la nature ; aussi leur prix est-il beaucoup moins élevé.

Parmi ces gemmes de second ordre, l’émeraude et l’aigue-marine, variété de l’espèce minéralogique appelée béryl, occupent, sans contredit, le premier rang. Malgré quelques doutes émis sur ce point par des naturalistes modernes, la connaissance de ces pierres remonte aux temps les plus reculés, à en juger par les émeraudes sculptées en scarabées, que l’on a trouvées dans les ruines de Thèbes. Au reste, M. Cailliaud, voyageur français, a résolu définitivement cette question en découvrant, vers 1818, les mines jadis exploitées par les Égyptiens dans les montagnes de Zabara, à quarante-cinq lieues au sud de Cocéïr. Aujourd’hui on trouve des émeraudes en Sibérie, en Saxe, en Irlande, en Suède, mais surtout au Brésil et au Pérou. Toutefois les plus belles nous sont encore fournies par les terres privilégiées de l’Orient, et sortent des mines de Cangayum dans le district de Coimbatoor. M. Dufrenoy cite comme le plus beau béryl connu celui de M. Hope, qui pèse 184 grammes et a coûté 12 500 fr. Lors de la vente de M. de Drée, une émeraude de 6 carats s’est vendue 2 400 fr., et une de ces pierres pesant 1 carat, d’une belle teinte unie et veloutée, vaut toujours de 100 à 120 francs.

On pourrait placer au troisième rang des pierres précieuses les grenats qui, sous le rapport de la composition, ressemblent aux précédentes, et quelques variétés du cristal de roche ou silice pure. Parmi ces dernières, il en est une qui a joui, chez les anciens et pendant le moyen-âge, d’une grande réputation : c’est l’opale, cette noble pierre qui perdait, dit-on, tout son éclat au moindre contact d’une substance empoisonnée. Au dire de Pline et d’autres historiens, le sénateur Nonius possédait une de ces gemmes de la grosseur d’une