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pécuniaires, et 27 millions furent demandés de nouveau aux contribuables, et principalement à la haute et moyenne propriété. Toutes ces sommes furent votées avec confiance et ratifiées par les imposables ; à l’heure qu’il est, tout ce qui était exigible de ces emprunts est rentré et au-delà. Les versemens arrivent avant l’échéance, on fait queue à la porte du percepteur, et, chose digne de remarque, les impôts ordinaires, loin d’en souffrir, rentrent plus ponctuellement que de coutume. Les riches, dans beaucoup de communes, paient les cotes de la petite propriété, et resserrent ainsi entre eux et le peuple les liens de sympathie et de fraternité.

Devant les dispositions du pays si clairement manifestées, on pourrait croire que le parti remuant est entièrement désarmé : il n’en est rien pourtant. Les meneurs de la démocratie violente ont changé de tactique, mais non de but. Ils se frappent aujourd’hui la poitrine, ils font entendre de nouveau, au lieu de menaces, des paroles d’amour pour la constitution, et cette fois ils ont soin d’y comprendre bien haut la monarchie. Personne ne s’y laisse tromper. Les élections de la garde civique, qui viennent d’avoir lieu, ont été des plus favorables à la cause de l’ordre et de la liberté. Les élections communales, qui sont prochaines, s’annoncent sous les meilleurs auspices.

En présence de cette chute éclatante d’un parti qui s’efforçait, par tous les moyens, d’exciter les passions de la France contre la Belgique, qu’il me soit permis, en finissant, d’insister sur un fait essentiel : c’est que la Belgique (à défaut de ses sympathies, ses intérêts vous en répondent) n’est point et ne sera jamais heureuse des douleurs qui vous atteignent et des tourmens qui vous agitent. Il y a sans doute dans ce pays deux races et deux langues, dont l’une penche vers l’Allemagne, et l’autre vers la France, et c’est pour cela même que nous sommes le trait d’union entre deux grands peuples que les guerres d’il y a quarante ans ont pu diviser, mais qui tous deux sont la force et l’espoir du continent européen. Cette alliance puissante et naturelle, les révolutions doivent la resserrer. Elle servira dans un temps plus ou moins proche à affranchir l’Europe entière. Que l’ordre et la liberté vivent en harmonie, et les destinées du vieux monde s’amélioreront pacifiquement, et le sang n’arrosera pas, comme par le passé, les conquêtes du droit et de la raison humaine.


Bruxelles, 10 août 1848.