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à l’exactitude de l’érudition et à la justesse des déductions morales, mettait tous ses soins, dans une édition récente, à disposer d’une manière définitive, telle qu’elle doit rester, cette galerie de Portraits ouverte il y a vingt ans, et où reparaissent tant de figures expressives, animées, éclairées des mille reflets d’une observation lumineuse. Un autre esprit d’une droiture et d’une netteté singulières, d’une exactitude de jugement qui s’applique aux plus obscurs détails de l’histoire littéraire aussi bien qu’aux phénomènes contemporains, M. Magnin, réunissait, il n’y a pas long-temps encore, sous le titre de Causeries et Méditations, les fruits divers d’une vie de critique à laquelle nul plus que l’auteur ne fut fidèle. Plus récemment encore, c’était un livre du même genre et d’une rare distinction, le Passé et Présent de M. de Rémusat. Les uns et les autres semblaient ainsi s’empresser de résumer dans une de ces œuvres de choix les résultats épars de leur pensée. Jusqu’à cette heure, c’était comme une polémique en train de se clore, dont tous les élémens étaient peu à peu recueillis, dont l’inventaire, en quelque façon, se poursuivait chaque jour. N’étaient-ce pas là encore les signes naturels, réguliers, d’une transition qui était dans le pressentiment public, qui s’opérait d’abord insensiblement, et qu’un orage imprévu est venu rendre manifeste, éclatante ? C’est dans une tempête, à la flamme de l’éclair, qu’il nous a été donné d’apercevoir, quant à nous, cette frontière souvent indécise que le temps pose entre les diverses phases morales d’un siècle, et qu’il a tracée cette fois, avec une inflexible précision, entre notre passé et noire avenir.

Mais dans ce passé d’hier, et qui date déjà de si loin, dans ce passé qui est de l’histoire et qu’on peut juger, pour ainsi dire, de la rive opposée, comme un voyageur s’arrête un moment pour rassembler ses souvenirs et ses impressions, il est aisé de reconnaître les progrès de l’intelligence moderne sous beaucoup de rapports, son infatigable activité sur tous les points. Au sein de ce vaste mouvement, le développement du génie critique comptera, sans aucun doute, comme un des traits caractéristiques de notre temps : faut-il s’en étonner dans un âge où l’esprit humain semble plier sous le poids des idées, des principes, des systèmes, des illusions, qui ont tour à tour agité le monde, et où la première condition, pour arriver à la vérité, c’est de rechercher quelles transformations elle a eu à subir ? Cette vérité, il n’est pas plus facile de la découvrir dans le domaine littéraire que dans la politique, dans l’histoire, dans la philosophie, le sérieux, le digne emploi de l’esprit critique est dans ce travail fécond d’investigation dont le terme lumineux et lointain est le beau, le vrai dans l’art, et qui a été si hardiment poursuivi parmi nous dans toutes les directions de la pensée. Plus d’un œil pénétrant et sûr s’est plu à aller scruter les origines de notre civilisation littéraire. Il n’est pas une époque jusqu’ici méconnue par une