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médiocrité, de la paresse et des vices qui retiennent l’homme au bas de l’échelle sociale ; c’est une arme lancée par l’envie au nom de l’esprit démocratique. Il est triste de voir comment M. Goudchaux entend le droit de propriété ; selon lui, l’homme ne conserve le droit de disposer après sa mort de ce qu’il a acquis pendant sa vie que par une tolérance de la loi, que grâce « à la protection de la loi, et, pour prix de cette protection, l’état doit prélever, sous forme d’impôt, une part dans les biens transmis par succession, » Ainsi, le père qui, par son industrie, acquiert une grande fortune ne travaille que pour lui ; l’égoïsme doit être son seul mobile, puisque ses enfans ne recueilleront ses biens que grâce à la protection de la loi. Alors qui garantit le père de famille qu’une révolution ne changera pas cette loi et ne dépouillera pas ses enfans au nom de l’état ? Vous détruisez la famille et, par suite, la société tout entière, dès que vous admettez que l’état pourrait s’emparer des biens à la mort de chaque homme, et que la protection seule de l’état en autorise la transmission. Les conséquences de ces doctrines se lisent dans l’exposé des motifs de M. Goudchaux : « Les biens acquis par la voie de succession ne sont point le fruit du travail et de l’intelligence... Il est juste que l’héritier ou le légataire à qui la société garantit la jouissance de ces bienfaits du sort paie à l’état une taxe d’autant plus élevée que la succession ou la libéralité est plus importante. » C’est là du socialisme, si je ne me trompe, et j’espère que l’assemblée nationale saura repousser cette première invasion des doctrines qui, appliquées sur une plus grande échelle, détruiraient en France et la propriété, et la famille, et la société.

Nous avons cherché à esquisser les principaux actes du ministre des finances actuel ; on a pu juger son caractère, ses tendances, ses doctrines politiques. Est-il bien satisfaisant pour notre avenir financier de voir les rênes de l’administration du trésor confiées aux mains de M. Goudchaux ? Ne soyons pas ingrats cependant, et reconnaissons que la situation s’est bien améliorée depuis le départ de M. Duclerc, de ce ministre qui, se faisant une arme meurtrière de l’expropriation, voulait rendre l’état exploitateur général de tout le travail et de toute l’industrie française. Toutefois, s’il faut applaudir à ce changement dans les hommes, est-ce à dire que nous soyons assurés de marcher toujours dans la bonne voie ? Heureusement pour la France, l’influence du comité des finances dans l’assemblée nationale est considérable, et, grâce à sa sagesse, à ses lumières, bien des fautes, espérons-le, seront évitées. Que les principes surtout et les saines doctrines du crédit soient préservés ! Quoi qu’en dise M. Goudchaux, les règles du crédit sont les mêmes sous une république que sous une monarchie : fidélité scrupuleuse aux engagemens, bonne foi dans les contrats jurés, acquittement parfait des dettes. L’assemblée, qu’il nous soit permis de le dire, semble avoir un peu besoin