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volumes de ses œuvres complètes et qui porte un titre commun : Scènes de la vie américaine, semble être son travail de prédilection. C’est comme un ouvrage à part, qui a son caractère propre. Bien que tous les écrits de M. Sealsfield, excepté le Maître légitime, aient été rédigés en allemand, ces Scènes de la vie américaine ont été plus expressément destinées à la patrie de Goethe et de Schiller, à cette Allemagne dont il suit avec sollicitude la lente et laborieuse régénération. C’est ce que dit en de nobles termes la dédicace de l’ouvrage : « A la nation allemande, éveillée désormais à la conscience de sa force et de sa dignité, l’auteur dédie respectueusement ces tableaux d’un peuple libre, d’un peuple issu de la race germanique, et qui agrandit chaque jour sa place dans l’histoire universelle ; il les lui envoie comme un miroir où elle pourra se contempler elle-même et entrevoir ses destinées futures. » On va voir, en effet, qu’il y a tout à la fois, dans ce curieux ouvrage, et l’inspiration de l’artiste et le prosélytisme du républicain.

Le premier des récits charmans qui ouvrent cette série est intitulé le Voyage de George Howard, ou plutôt, car nous n’avons pas de mot français qui rende le terme allemand sans le secours d’une périphrase, le Voyage de George Howard cherchant à se marier (George Howard’s Brautfahrt). C’est à la fois un voyage et un roman. George Howard est un jeune planteur des états du sud qui va se marier à New-York ; le mariage manque, et George Howard regagne ses foyers, s’arrêtant de ville en ville et cherchant partout une femme. Sur cette trame si simple, l’auteur a jeté avec art les peintures les plus vives et les plus variées. Le tableau de New-York, dès le début du livre, est plein de mouvement, plein de bruit et d’éclat. Rien de plus piquant que l’embarras du naïf George Howard avec ces folles Parisiennes de New-York, avec ces jeunes miss brillantes et fantasques. Marguerite et Arthurine Bowsends sont deux portraits fort avenans, bien qu’elles causent le désespoir du pauvre George. Les scènes intérieures sont entremêlées de descriptions de la rue, car New-York est très agité par l’élection du président ; Jackson et Webster sont aux prises, et les Jacksonmen proclament leur candidat avec des cris forcenés. Est-ce l’excitation générale qui monte à la tête de nos jeunes miss ? La vérité est qu’elles sont plus désespérantes que jamais, et que George Howard s’enfuit au plus tôt de cette maudite ville de New-York. Avant de rentrer chez lui, le jeune planteur traversera plusieurs des états de l’Union, et des tableaux gais ou sombres, familiers ou poétiques, se dérouleront sous ses yeux. D’abord, c’est le Tennessee, avec ses mœurs rudes et violentes, avec ses tavernes pleines de cris et de fumée. Plus loin, voici le pays des Natchez, où l’auteur place un petit drame rempli d’émotion, le Voleur d’enfans. Le glorieux écrivain que la France vient de perdre a employé, pour la peinture de ces tribus sauvages, tous les trésors de sa riche