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guerres qui durèrent plus de douze ans, et dont le terme fut l’affranchissement du Mexique, sa rupture avec l’Espagne, et l’établissement d’une république fédérative. Or, c’est au milieu même de ces guerres civiles, c’est au lendemain de l’insurrection d’Hidalgo, que M. Sealsfield a placé son récit. Vers l’époque où cette première tentative échoua, il se forma un parti intermédiaire entre les démagogues et l’aristocratie d’Espagne ; la noblesse créole en était l’ame. Également opposée aux violences d’une démocratie désordonnée et à l’insolence hautaine de la cour du vice-roi, l’aristocratie créole voulut s’emparer de l’influence et gouverner le Mexique. Tel est le sujet traité par M. Sealsfield avec sa vigueur accoutumée. Ce sujet est habilement choisi. En se plaçant ainsi au milieu de la société mexicaine, l’auteur a pu la juger tout entière. Bien plus, ce ne sont pas seulement les agitations de 1812 dont il nous fait le tableau ; le drame qu’il raconte éclaire tous ceux qui vont suivre, car, en voyant cette révolution de palais, en voyant la légèreté, la vanité des créoles, c’est-à-dire du seul parti qui pût intervenir entre les violences extrêmes, il est facile de pressentir tous les désordres et toutes les extravagances de l’avenir.

Dès les premières pages, le récit est plein de mouvement. Nous sommes à Mexico, et tous les partis sont en présence. Voyez-vous ces mascarades sur la place publique ? Ce sont les patriotes qui font la caricature du vice-roi et de la cour. Les alcades se présentent ; voici un rassemblement, puis une émeute, et les coups de fusil retentissent au coin des rues. Entrez maintenant dans le palais du vice-roi, vous verrez la minutieuse étiquette, les formalités hautaines, tout le cérémonial de la vieille monarchie espagnole puérilement transporté sur le sol du Nouveau-Monde. Rien n’est changé. En vain a-t-on passé les mers, en vain marche-t-on ici sur une terre vierge ; toutes les ridicules superstitions d’une monarchie décrépite sont fidèlement conservées à la face de ce nouvel univers, où il semble que la pensée de l’homme doive se régénérer naturellement. Du palais du vice-roi, si vous pénétrez dans la demeure de Condé de San Yago, vous assisterez aux délibérations de la noblesse créole qui prépare son coup de main. Don Condé de San Yago, en effet, est le chef de cette aristocratie libérale si opposée à tout ce qui vient de Madrid. C’est un chef habile, celui-là, une intelligente et loyale figure dont l’analyse fait honneur au pinceau de M. Sealsfield. Au milieu de tant de caractères bas ou d’esprits incohérens, cette âme calme et maîtresse d’elle-même repose la pensée du lecteur. Condé de San Yago est un adversaire décidé de ce stupide despotisme espagnol, mais il connaît trop la faiblesse de ses amis ; esprit ferme et clairvoyant, il n’est pas dupe de l’ardeur de quelques gentilshommes irrités ; il sait que l’heure n’est pas venue pour une révolution, et tous ses efforts tendent à créer peu à peu un grand parti, le parti créole, qui se