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ajouter une sainteté nouvelle à l’inviolabilité des contrats. « Le respect des engagemens, dit M. Grote, s’enracina avec la démocratie, et le peuple athénien s’habitua à identifier le maintien de la propriété sous toutes ses formes avec celui de ses lois et de ses institutions. » Les juges, en montant sur leur tribunal, prêtaient le serment de défendre le gouvernement démocratique et de repousser toute proposition relative à l’abrogation des dettes, au partage des terres, à la dépréciation des monnaies. Il est beau pour un peuple d’avoir usé si sagement d’un remède dangereux, et de faire dater son respect pour les lois du jour où il a été contraint de les enfreindre.

Solon enleva le pouvoir à l’aristocratie de naissance des Eupatrides pour le transporter à une aristocratie fondée sur la fortune, idée, je pense, toute nouvelle à cette époque. Le peuple athénien fut divisé en quatre classes, suivant la valeur des propriétés. La première seule pouvait prétendre aux fonctions politiques les plus élevées, c’est-à-dire aux neuf places d’archontes ; quelques magistratures moins importantes étaient réservées à la seconde et à la troisième classe ; mais, comme toutes les charges publiques se donnaient à l’élection et que tout le peuple y prenait part, la quatrième classe, celle des prolétaires, naturellement la plus nombreuse, dominait dans les assemblées politiques. Jadis, en déposant leurs charges, les archontes devaient rendre compte de leur conduite au tribunal de l’aréopage, composé lui-même d’archontes retirés. Solon substitua l’assemblée du peuple à l’aréopage ; ce fut donc au peuple que les magistrats eurent à demander désormais un appui pour leur candidature et un bill d’indemnité pour leur gestion.

L’agora, ou l’assemblée du peuple athénien, fut pareillement appelée à statuer sur toutes les affaires politiques de quelque importance ; mais, devant une réunion si nombreuse, un examen effectif eût été difficile. Solon y pourvut par l’établissement d’un sénat de quatre cents membres choisis parmi les citoyens les plus riches et chargés de l’étude préparatoire des affaires. Le peuple était consulté lorsqu’il s’agissait de prendre une décision ; alors l’affaire lui était soumise, nous dirions aujourd’hui rapportée, par le sénat probouleutique : c’est le nom que lui donna Solon, nom difficile à traduire, mais qui indique à une oreille grecque les fonctions d’un examen préparatoire.

L’aréopage, la plus antique des institutions athéniennes, ne fut pas supprimé par la constitution nouvelle ; au contraire, ses attributions s’agrandirent. Recruté incessamment par les archontes sortant de charge, composé par conséquent d’hommes d’affaires, ce corps, tout en conservant ses anciennes fonctions judiciaires, fut chargé par Solon de veiller à l’exécution des lois, au maintien de la constitution ; enfin, il fut investi de pouvoirs très étendus, tout-à-fait analogues à ceux des censeurs romains. C’était, à vrai dire, une espèce d’inquisition, nécessaire