Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

physionomies originales que l’histoire de l’avenir n’en réserve à nos enfans. Quand le voyageur descend sur quelque radeau de bois la rivière du Waag, qui, à travers les dernières vallées des monts Karpathes, se jette dans le Danube, près de la forteresse de Komorn, il s’arrête un instant à cette limite des montagnes et de la plaine : il regrette ces paysages sévères qu’il vient de parcourir, ces forêts sombres, cette nature imposante ; il voudrait voir encore les ruines des châteaux attachés aux flancs des montagnes, ces forteresses féodales qui marquent toute l’histoire de la Hongrie : Monkatz, resplendissant encore du souvenir de ce siège glorieux que la veuve de Tékély soutint trois années contre l’armée impériale ; Éperies, théâtre sanglant des vengeances de Léopold ; la citadelle imprenable de Trentchin, livrée par la trahison à l’Autriche, et où la fortune de Râkôczy trouva son tombeau. Partout, dans les vallons, sur les rochers, planent les images singulières ou grandes du passé. Il faut partir cependant, la plaine est devant nous ; le bateau à vapeur est prêt pour emporter doucement le voyageur à travers ce riche pays. En descendant le fleuve, il verra Pesth, qui, comme une grande cité du nouveau monde, étend les lignes de ses maisons à travers des prairies vertes et sans limites ; Pesth, où l’Orient échange ses trésors avec l’Europe, où il retrouvera les idées, le langage, l’élégance et le luxe des grandes capitales européennes, et aussi les journaux, les partis, le bruit de la place publique et des tribunes. Le voyage sera plus facile : y trouvera-t-il le même plaisir ?


Ë. DE LANGSDORFF.