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succédèrent en Hongrie à partir de l’année 1526 se préoccupèrent, avant tout, de perpétuer leur dynastie dans la possession du royaume. Les révoltes de Béthlen, du premier Râkoczy, de Tékély, et les vengeances cruelles qui les suivent, ensanglantent toutes les pages de l’histoire de la Hongrie pendant la plus grande partie du XVIIe siècle. Les Turcs s’étendent chaque jour et s’avancent vers Vienne, qu’ils vont assiéger en 1683. Les décrets de cette époque roulent presque tous sur les moyens de continuer la guerre ou de punir les rebelles : c’est l’histoire la plus lamentable qui puisse être écrite de ces temps désastreux. La licence et les brigandages des soldats impériaux, que les diètes appellent toujours la soldatesque étrangère et dont elles demandent éloignement, dépassent toute imagination. Entre les Turcs, qui les réduisaient en esclavage, et les Autrichiens, qui voulaient détruire toutes leurs libertés, les Hongrois ne faisaient guère de différence, ou plutôt c’était le maître présent qu’ils détestaient le plus et contre lequel ils s’alliaient avec l’autre. Les écrivains nationaux n’ont pas d’accens assez énergiques pour raconter, comme ils disent, cette Iliade de malheurs. La misère des paysans, tour à tour opprimés par chaque parti, était surtout intolérable. Les états de 1587 ne doutent pas que ces excès n’aient attiré la vengeance divine sur la Hongrie. Ils signalent des bandes d’hommes à demi nus qui se répandaient dans les campagnes, rançonnaient les seigneurs et pillaient les châteaux ; chose horrible ! ils parlent même de marchés où l’on osait vendre publiquement de la chair humaine : humana caro in nundinis vendebatur.

La tenue, la composition des diètes, se ressentaient de ces désordres, et l’absence de toute règle provoquait des réclamations perpétuelles. Sous Mathias II (1608), on chercha par un décret à débrouiller ce chaos. Aujourd’hui même, au moment où l’on remet en question l’organisation entière des états, ce document présente des détails curieux. « La diète, est-il dit dans le décret de Mathias II, se compose des quatre états du royaume, savoir : les prélats, les magnats, la noblesse et les villes libres. » Cette admission des villes libres dans la diète, où elles forment le quatrième ordre des états du royaume, était soumise à des restrictions qui aujourd’hui sont l’objet d’une vive polémique. Le décret de Mathias II ne reconnaît de droit de représentation à la diète qu’aux quinze villes libres dont un ancien décret du roi Ladislas a reconnu les privilèges. Il écarte les villes libres non mentionnées dans le décret de Ladislas. Ce grief des villes royales, aujourd’hui au nombre de quarante-neuf, et qui toutes ensemble n’ont qu’une voix dans le parlement hongrois, est une des réformes radicales sur lesquelles la diète qui vient de s’ouvrir à Pesth aura à se prononcer.

Malgré les chances favorables qu’offraient à l’ambition autrichienne