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chère aux Hongrois, et les écrivains nationaux n’hésitent pas à dire qu’une pensée vraiment divine présida à cette institution.

Dans chaque circonscription, des terres furent attribuées aux chefs et aux officiers comme récompense du service militaire ; c’est là l’origine de la noblesse hongroise, de ses droits et de ses devoirs : les soldats n’entrèrent point dans cette répartition, et c’est ce qui explique comment nous les retrouvons, à la suite des temps, soumis aux mêmes conditions que les paysans des autres races. Les vaincus furent attachés à la glèbe. Des enceintes fortifiées, qui sont devenues depuis les chefs lieux des comitats, servaient de refuge et de retraite aux cultivateurs et aux troupeaux. Cette organisation militaire s’est maintenue ou plutôt reproduite, avec les modifications qu’impliquait la différence des temps, dans les colonies militaires établies par Marie-Thérèse sur les frontières du pays.

En Hongrie, la possession de la terre fut, plus intimement que partout ailleurs, liée aux droits de la noblesse. Il y a deux principes généraux qu’on retrouve à travers les systèmes divers des publicistes sur les privilèges de la noblesse hongroise. Le premier, c’est que la couronne était propriétaire de toutes les terres. Dans la rigueur du droit, il n’y avait en Hongrie que des possesseurs ; ce que nous appelons le droit de propriété s’appelait droit de possession (jus possessionarium). Le second principe, c’est qu’aucun individu non noble ne pouvait posséder de terre. Le sol entier fut donc partagé entre les guerriers, les compagnons des premiers rois (servientes regis). La condition ordinaire des donations fut le service militaire ; le souverain stipulait toutefois qu’en cas d’extinction de la ligne masculine, seule capable de remplir cette condition, la terre ferait retour à la couronne.

Les impôts en argent étaient rares à l’époque de saint Étienne, ils ne consistaient guère que dans le produit des droits régaliens, comme la vente du sel, le rapport des mines, le butin : un tiers de ces impôts était attribué aux comtes suprêmes ; les deux autres tiers allaient au trésor du roi. Les dîmes, soit des produits de la terre, soit des animaux, étaient, comme elles l’ont été jusqu’à nos jours, la principale source des revenus de la Hongrie. Pour parler plus exactement, elles servaient, en nature, aux besoins divers de l’armée. La solde des troupes était payée en grains, en vin, en bœufs ou en moutons ; on montait la cavalerie avec les chevaux fournis par la dîme. Les bagages étaient transportés par des charrions mis en réquisition. Cette administration économique, si peu savante, est sans doute celle de toute société dans l’enfance ; en Hongrie, elle s’est maintenue fort au-delà du terme ordinaire, probablement par suite de la nature même des revenus du propriétaire, qui n’ont jamais consisté en une somme déterminée, mais en une certaine part dans les produits du fonds. Ainsi, encore aujourd’hui, d’après