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courage n’est rien, ou n’est pas : le fer, — l’or, — le vin — et le blé. Nous ne les suivrons pas dans cette énumération des produits de la Hongrie. Les richesses de tous les règnes y abondent, et l’on comprend le proverbe : Extra Hungariam non datur vita. L’objet le plus curieux d’un voyage en Hongrie, c’est l’homme ; ce sont les hommes qu’il y faut chercher. Si leur incontestable valeur les recommande à notre sympathie, l’originalité, la singularité de leurs institutions ne les désignent pas moins à notre curiosité.

The proper study of man is Mankind.

On s’est plaint souvent, en Hongrie, que les voyageurs s’arrêtaient trop à quelques détails bizarres et négligeaient le fond même du caractère et de l’organisation nationale ; j’espère échapper à ce reproche. Je n’ai point oublié quelle hospitalité affectueuse j’ai trouvée dans ce pays ; l’on ne se méprend pas sur l’accent d’une amitié véritable : il est naturel que l’étranger s’arrête surtout aux différences qui le frappent, et ce n’est pas dans un esprit de critique qu’il met certains points en saillie ; le métier d’observateur n’est pas chose facile ; si l’étranger voit tout d’abord ce qui est extraordinaire, l’homme du pays, à son tour, trouve toutes choses simples et unies. Que les Hongrois, d’ailleurs, ne se plaignent pas de cette étrangeté qui attire sur eux l’attention de l’Europe ; qu’ils ne la dépouillent pas même entièrement, pour ne pas affaiblir cet intérêt, qui peut être pour eux un secours et une force. Lorsque Usbeck, à Paris, quitta ses habits de Persan, il fut confondu dans la foule, personne ne le regardait plus, et il se sentait moins d’esprit qu’auparavant.

Cette curiosité de l’Europe au sujet de la Hongrie a été bien tardive. Cependant, indépendamment de l’intérêt qu’offrait l’étude de ce pays pour la politique générale, il y aurait eu là une foule d’argument et d’exemples précieux pour nos écoles historiques et les divers systèmes qu’elles représentaient : on y eût retrouvé non pas seulement l’image de ce passé sur lequel disputaient leurs principaux disciples, mais ce passé lui-même, vivant tout entier. Nous le sentons bien pour notre propre temps ; les conjectures les plus ingénieuses et les plus hardies de l’érudition des âges futurs ne vaudront pas, pour ressusciter l’histoire actuelle, pour lui rendre la vérité et la vie, un jour passé dans ce milieu où nous nous agitons. Il en est de même pour les origines de notre histoire. Que de recherches savantes, par exemple, pour expliquer la manière dont s’opéra la conquête des barbares ! On n’a pas oublié la vive curiosité que la génération contemporaine de la restauration porta à ces recherches. L’histoire lui dut un de ces livres rares où la science, revêtue de la forme poétique, émeut l’imagination et pénètre jusqu’au cœur. L’Histoire de la conquête des Normands eut ce