Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre part, la diète de Francfort et le roi Charles-Albert, sortis l’un et l’autre, sous le prétexte des nationalités, des limites imposées par les traités ? Et quelle subtilité de la dialectique pourrait lui démontrer que ce qui est permis à l’un ne l’est pas à l’autre ? Pour échapper aux conséquences rigoureuses de ce raisonnement, il ne resterait plus qu’à prendre les armes. Nouvelle preuve qu’on n’entreprend point impunément de sortir du droit des gens, et que le jour où on a proclamé, sans y regarder, que des traités n’existaient plus, on s’est interdit toute diplomatie, on a renoncé à toute action pacifique, on ne s’est plus laissé à soi-même que l’alternative ou de tout supporter, ou de tout repousser par la force : on a allumé la mèche de tous les canons de l’Europe.

Et l’Angleterre ! c’était là, on se le rappelle, jusqu’aux dernières années, le grand cheval de bataille de l’opposition qui poursuivait le gouvernement passé. Cette tactique a fait, nous ne craignons pas de le dire, tant de mal à l’humanité en réveillant des inimitiés qui s’assoupissaient, en puisant sans mesure dans le fonds de rancunes vieillies que nos longues guerres avaient laissé derrière elles, qu’il en coûterait de l’imiter et d’aller chercher des armes, comme elle, dans l’arsenal usé du Moniteur de l’empire. On voudrait rester convaincu encore que les deux peuples les plus illustres du vieux monde peuvent vivre en paix sans déchoir, et concilier, sans déshonneur pour eux-mêmes, l’honneur qu’ils font au genre humain ; mais c’est surtout de l’alliance avec l’Angleterre qu’il est vrai de dire ce qu’au début de ces réflexions nous disions de la paix en général, c’est qu’elle est presque aussi laborieuse pour les gouvernemens que la guerre elle-même. A des points de contact nombreux, à des intérêts souvent opposés, il faut joindre, comme une des difficultés principales d’une telle alliance, les sentimens hostiles que de longues traditions entretiennent, et qui prennent chez les deux peuples la forme de leur nature. Éclatant chez nous en boutades populaires, se répandant en bouffées de colère aussi passagères qu’elles sont violentes, ces sentimens ont souvent chez les agens anglais le caractère plus dangereux d’une rancune persévérante et d’une taquinerie habituelle. De plus, la diplomatie anglaise doit à l’heureuse permanence de ses institutions politiques un esprit de suite et de hardiesse, une foi dans l’avenir, une audace d’entreprise, que la nôtre, avec les revirement qui la bouleversent tous les quinze ans, peut difficilement égaler. La plus vigilante attention, la plus délicate, la plus prévoyante, mais en même temps la plus intelligente susceptibilité, sont nécessaires pour que, dans une telle alliance, le partage ne soit pas décidément léonin. Le gouvernement républicain, si empressé, dès ses premiers jours, à se vanter de la bonne amitié de l’Angleterre, si bien accueilli au-delà de la Manche, a-t-il réuni ces conditions ? Il est