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trouvée de la création d’un grand état italien. Cela n’est point arrivé, et dernièrement encore M. de Lamartine s’en faisait honneur, dans un comité de la chambre, comme d’un acte de prudence et de modération dont se glorifiait la révolution nouvelle. Nous n’avons rien à dire contre de si sages dispositions, excepté qu’il est honnête sans doute, mais triste, de combiner ainsi les scrupules d’un gouvernement régulier avec l’isolement d’un gouvernement révolutionnaire, et d’avoir renoncé à toute diplomatie, sans acquérir pour cela plus de liberté d’action. Mais la vérité ne serait-elle pas que, quand même on l’aurait voulu, on n’aurait point retrouvé, après février, chez nos anciens concitoyens, le même élan qu’on avait eu tant de peine à contenir après juillet 1830, et cela par une raison toute simple, c’est que, pour que la France soit reconnue, il faut qu’elle soit reconnaissable, et où voulez vous qu’on la reconnaisse, cette France, pleine d’aménité et d’éclat, dans les ridicules enfans perdus qui s’étaient chargés de faire en notre nom, il y a trois mois, d’infructueux essais de propagande ? Les combattans de Risquonstout, aussi risibles que le nom du lieu qui a inspiré leur défaite, ne ressemblaient en rien aux brillans généraux de la première république, et quels missionnaires à envoyer à de braves montagnards dans leur simplicité patriarcale, que des hordes de sauvages se glorifiant du pillage et fuyant devant des coups de fourche ! Voilà cependant par quels représentans le nouvel état social de la France s’est révélé aux habitans de l’ancien département du Mont-Blanc. Étonnez-vous ensuite de ce fait douloureux, que, tandis que tous les peuples se pressent autour des souvenirs de leur nationalité, la nationalité française seule, avec un passé si éclatant, ne compte aujourd’hui aucun prétendant.

Enfin, à défaut de toute action directe dans les affaires d’Europe, au moins si nous gardions l’avantage des neutres, je veux dire l’indépendance ! si nous nous étions préservés de tout engagement pour l’avenir ! si nous demeurions en dehors des événemens, de manière à y jouer, le jour que nous voudrions, le jeu qui nous conviendrait ! Mais il semble qu’autant nous avons mis de scrupule à nous abstenir de toute réserve en faveur des intérêts de la France, autant nous avons mis d’empressement à nous engager jusqu’à la garde, et sans condition, au service de toutes les révolutions. À peine le nouveau gouvernement était-il formé depuis quinze jours, qu’il avait pompeusement rassemblé une armée au pied des Alpes, offert et promis son appui au conquérant de la Lombardie. Cette offre, non-seulement aucune demande ne l’avait précédée, mais elle a été repoussée par l’Italie dans des termes dont la politesse n’avait rien d’exagéré, mais dont la précision ne laissait pas d’équivoque. Il a fallu démentir dans le Moniteur les proclamations belliqueuses déjà publiées par les généraux de la nouvelle