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l’Italie en travail, il y avait, pour ceux qui supportaient le pesant honneur de s’appeler le gouvernement français, une autre conduite à tenir que de rester l’arme au bras au bord du Rhin et au pied des Alpes en spectateur indifférent ou enthousiaste. Cette conduite, cependant, je ne voudrais pas affirmer que tous les gouvernemens, quels qu’ils soient, fussent en état de la tenir. Il peut y avoir telle faiblesse de situation, telle nécessité d’origine, telle nature étroite d’idées qui retiennent forcément un gouvernement au-dessous de la ligne dictée par les vrais intérêts de son pays. Si telle est l’excuse du parti qui domine encore aujourd’hui, à la vérité, ce n’est pas sa faute ; mais, en conscience, ce n’est pas non plus la nôtre.

Si le bonheur eût voulu, en effet, que le jour où ces grands événemens éclataient (ce qui tôt ou tard, chacun le savait, ne pouvait manquer d’arriver), nous eussions eu un gouvernement régulier, empire, monarchie, république sagement établie, il n’importe, un gouvernement ayant forme humaine, un tel gouvernement aurait eu, dans toutes les capitales, des agens reconnus, accrédités, familiers également avec les affaires et avec les hommes, dont on eût écouté, attendu même les avis ; de véritables agens, en un mot, entourés de tout le prestige de la France, pesant de tout son poids, parlant de toute sa hauteur.

Un tel gouvernement ne se serait pas trouvé réduit non plus à cette étrange situation de s’être mis lui-même, par ses propres déclarations, en dehors de tout droit public. Il ne serait pas resté face à face de traités qu’il a bien fait sans doute de respecter, mais qu’il s’est ôté le droit d’invoquer. 11 aurait, comme tous les gouvernemens réguliers, des engagemens, mais des engagemens réciproques, avec ses voisins, auxquels il ne refuserait pas de satisfaire, pour sa part, mais ne redouterait pas non plus de faire appel à son profit.

Avec de tels instrumens, la conduite d’un tel gouvernement serait bien simple.

Il se serait adressé dans un langage à la fois digne et bienveillant aux différentes nations qui travaillent en ce moment à modifier leurs constitutions intérieures, et leur aurait dit, avec l’autorité qui appartient à la France : Vous voulez changer vos distributions de territoire, unir ce qui était divisé, étendre ce qui était imparfait ? Soit ; les distributions politiques ne sont point éternelles, et le vœu des peuples, quand il se fonde sur des souvenirs respectables, et surtout quand il éclate par des traits héroïques, a le droit de se faire entendre. Vous n’ignorez pas cependant que cette entreprise déroge au droit public actuel de l’Europe, tel qu’il est sorti des traités, et qui ne reconnaît ni empire germanique, ni vaste royaume d’Italie, ni confédération suisse étroitement liée par un nouveau pacte fédéral. C’est ce droit public, par conséquent, que vous voulez modifier dans ses conditions essentielles. Soit