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réunies en congrès, ne songèrent plus qu’à établir, par un juste accord, les bases de ce grand équilibre européen que tant de secousses n’ont point encore ébranlé. Nous pouvons donc demander aux de Lyonne et aux Mazarin qui nous gouvernent quelles seront, au prochain congrès de Munster, les instructions de nos plénipotentiaires. Dès à présent, nous pouvons leur demander dans quelle situation de force relative les révolutions européennes vont laisser la France et ses rivales. Que serait-ce si ce mouvement, auquel nous paraissons avoir applaudi sans réserve, que nous nous félicitons même d’avoir provoqué, devait aggraver d’une manière désastreuse les conditions territoriales où il nous a trouvés et que nous ont léguées nos revers de 1815 ? Singulière assertion que pourtant un peu d’examen confirme !

Pour commencer, en effet, par notre position continentale, on sait avec quel soin les traités de 1815 s’étaient efforcés de tenir des portes ouvertes sur toutes nos frontières du nord et de l’est, pour le cas où un nouveau voyage à Paris pourrait être nécessaire. Non-seulement on nous enleva toutes nos conquêtes, mais, en nous réduisant à notre ancien territoire, on eut soin de prendre des mesures pour nous y contenir par des moyens plus rigoureux et nous mettre partout en tête un plus puissant voisin. La frontière germanique étendue de nouveau sur la rive gauche du Rhin, mais confiée cette fois à la garde de l’épée puissante de la Prusse ; les vallées qui nous séparent de la Suisse, soustraites aux juridictions différentes qui les régissaient autrefois, pour être mises sous la main des plus grands cantons de la confédération ; enfin le royaume de Piémont reconstitué et étendu pour garder toute la ligne des Alpes, et les enjamber même par le duché de Savoie, tel fut le savant système imaginé pour nous refouler sur nous-mêmes, et prévenir cette redoutable force d’expansion dont la France paraissait douée. La confédération germanique, la Suisse et le roi de Sardaigne eurent la charge d’y veiller.

C’était là sans doute une forte ligne de bataille ; mais elle laissait pourtant plusieurs points faibles par où elle pouvait être tournée ou rompue. La confédération germanique, avec quelque art qu’on l’eût combinée, n’en demeurait pas moins une agglomération d’états assez mal liés ensemble. Dans la manie de restauration universelle qui régnait alors, on n’avait pourtant point osé songer à restaurer l’empire de Charlemagne et de Charles-Quint. La rivalité de deux grandes puissances, entretenue par les souvenirs de Marie-Thérèse et de Frédéric, l’impatience des états subalternes à se soumettre au joug des grands, une distribution de territoire incommode et arbitraire, toutes ces causes réunies y entretenaient des fermens intérieurs de dissentiment, laissaient plusieurs points ouverts à notre influence diplomatique, et nous permettaient d’espérer qu’en cas de guerre, il serait difficile de faire