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ans du gouvernement qui vient de périr, ç’a été un des artifices de la très vive opposition qui lui était faite, sur les questions de politique étrangère, de se placer tour à tour à l’un et à l’autre de ces points de vue, de lui demander en même temps la propagande révolutionnaire et rapide de la convention et la politique savante, calculée, parfois machiavélique, des Torcy et des Choiseul. De là ces combats successivement livrés par l’opposition d’alors pour ou contre l’alliance anglaise, suivant qu’on envisageait l’Angleterre ou comme un grand état libéral ou comme notre antique rivale. De là ces reproches faits tour à tour et de manquer d’influence dans les conseils de l’Europe et d’y être admis trop avant dans l’intimité, reproches souvent assez difficiles à concilier, et qu’il serait certainement très inopportun de discuter aujourd’hui, mais qui ne prouvent qu’une chose : c’est que la France a le sentiment de ce double caractère de ses intérêts, qu’elle entend que ceux qui la gouvernent les fassent marcher sur la même ligne, et que si elle leur rend parfois, par ses volontés impatientes, l’accord assez difficile à établir, elle prendrait encore plus mal qu’on fît le sacrifice de l’un ou de l’autre de ces élémens de grandeur.

Sortis d’une réaction sanglante et momentanée contre les armes et les idées de la France, les traités de 1815, de douloureuse mémoire, ont dû chercher à la blesser dans ses deux points sensibles, à détruire à la fois sa puissance politique et son influence morale. Étouffer partout le principe libéral, cerner en même temps le développement militaire de la France par une ceinture de forteresses, ce fut le plan des alliés vainqueurs, plan sagement combiné à leur point de vue, s’il avait pu réussir ; mais il est arrivé aux alliés ce qui arrive à tous ceux qui remportent par un hasard de journée une victoire d’un moment sur cette force des choses, plus puissante à la longue que la force même des armes. La victoire elle-même est restée impuissante entre leurs mains. Ni l’unité territoriale de la France ni son état social, dont on redoutait tant le contagieux exemple, n’ont pu être entamés par nos revers de 1815. Ce fut la robe sans couture qu’on n’osa point déchirer. Les alliés nous laissèrent, comme contraints par une main supérieure, toutes nos forces, diminuées sans doute, mais prêtes à se relever. Avis à tous ceux qui, sous quelque étendard que ce soit, de réaction ou de révolution, tentent de changer, par la violence, la constitution providentielle d’une grande société. Il est des tentatives impossibles qui échouent dans leur succès même, et à qui Dieu ne semble donner un instant l’avantage que pour mieux faire éclater leur vanité.

Les traités de 1815 n’ont donc pu empêcher la France de reprendre son rôle en Europe, et chaque jour avec plus de liberté et de succès. C’est ce qui explique ses sentimens et aussi sa politique constante à l’égard de ces mêmes traités. D’une part, il lui était impossible d’en prononcer