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Le gouvernement de juillet a grevé l’avenir de 620 millions de dettes, soit en comptant à 4 pour cent, ce qui était le taux moyen de son crédit quand il est tombé, 25 millions de rentes annuelles à payer, mais il a laissé le capital national accru d’une somme cinq ou six fois plus forte ; les monumens inachevés de tous les régimes ont été terminés ; l’œuvre gigantesque des fortifications de Paris a été menée à son terme ; 4,000 lieues de routes royales, 40,000 lieues de routes départementales, 8,000 lieues de chemins vicinaux de grande communication ont été ouvertes, ce qui fait un total de 22,000 lieues de communications nouvelles, sans parler des travaux faits sur les chemins de petite vicinalité et qui dépassent, depuis 1836, 500 millions ; une quantité innombrable de ponts ont été construits ; 200 millions ont été employés à l’achèvement des anciens canaux et à l’ouverture de nouveaux ; 80 millions, en sus des dépenses ordinaires, ont servi à améliorer la navigation de nos rivières ; 86 millions ont été dépensés dans nos ports ; 500 lieues de chemins de fer sont en pleine exploitation, et 500. autres lieues se construisent ; le matériel de nos arsenaux s’est accru de 6,000 bouches à feu avec leurs affûts, de 1,300,000 fusils, d’un million de sabres et d’épées ; la marine s’est enrichie de paquebots à vapeur pour une force de plus de 25,000 chevaux ; enfin un territoire nouveau, grand comme les deux tiers de la France, a été ajouté à nos possessions : l’Algérie a été conquise, pacifiée, peuplée de 200,000 habitans européens, en comptant l’armée, qui y ont construit des villes et des villages, et qui en ont pris possession pour jamais au nom de la civilisation chrétienne.

Ce qui prouve mieux que toutes les paroles combien ces dépenses fécondes ont ajouté à la richesse publique, c’est le progrès constant des recettes de l’impôt pendant ces dix-sept ans. Le gouvernement de juillet n’a établi aucun nouvel impôt ; au contraire, il en a supprimé plusieurs, et cependant les recettes publiques, qui n’étaient que d’un milliard en 1829, étaient de 1,400 millions en 1847 ; elles se sont donc accrues de près d’un tiers depuis 1830. En même temps, la condition de tous les serviteurs de l’état avait été améliorée ; tout un personnel nouveau et fort nombreux, celui des instituteurs primaires, des agens-voyers, etc., avait été créé ; les traitemens des magistrats, même les plus modestes, avaient été accrus, et, au milieu de ces dépenses, le crédit de l’état, fortifié par l’exécution rigoureuse de tous les engagemens, avait été porté à un taux inconnu jusqu’alors. Le 5 pour cent était à 446 avant la révolution de février, il avait été à 422 un an auparavant, et, sans la crainte perpétuelle de remboursement qu’entretenaient de mauvaises doctrines financières, il se serait élevé bien plus haut.

En présence de ces résultats, M. Lacave-Laplagne a raison de revendiquer avec quelque fierté sa part de responsabilité dans la gestion financière de ces dix-sept années, les plus belles dont il ait été donné à la France de jouir. M. Garnier-Pagès s’est récrié sur l’énormité du budget de la monarchie. Nous allons voir maintenant si la république réduira beaucoup le sien. Elle est la maîtresse de réaliser ce gouvernement à bon marché dont parlaient tant les républicains de la veille. En attendant, le premier budget de la république présenté par M. Duclerc est de 1,700 millions, et, pour faire face à ces dépenses, on n’a pas créé moins de cinq ou six impôts nouveaux, l’impôt des 45 millions, l’impôt sur les créances hypothécaires, l’impôt sur les défrichemens de bois, l’impôt sur les domestiques, les chiens, les chevaux, les voitures, etc. De plus