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Il ne s’agit pas d’ailleurs de disperser à l’instant une association de plus de cent mille hommes. Qu’on expulse sans pitié les quinze ou vingt mille misérables qui la déshonorent et l’infectent ; ceux-là ne sont pas difficiles à reconnaître ; la plupart ont eu affaire à la police, et quand il ne restera dans les ateliers que de véritables ouvriers, la conduite en sera sans danger, et la dissolution en sera prompte.

L’établissement sévère du travail à la tâche arrêtera, à lui seul, un gaspillage effréné. Le premier effet de cette mesure sera de chasser les oisifs et de rendre à leurs travaux habituels une multitude de brave » ouvriers que retiennent des engagemens de camaraderie ou de partis. Malheureusement, il y a loin, par le temps qui court, des paroles aux actes, du décret à l’exécution. On allègue la difficulté de trouver des travaux de terrasse à Paris : on aurait achevé ceux du chemin de fer de ceinture, que recommandaient vivement MM. Marie et Arago, et qui conduisaient à faire, d’une gare à l’autre pour 75 centimes, le transport de la tonne, qui coûte aujourd’hui 4 francs, si l’on n’avait craint de blesser par là les camionneurs de Paris. D’ailleurs, quand il ne se trouve pas d’entreprises rapprochées, l’état ne doit pas plus hésiter à employer au loin les bras qui réclament son secours, que les ouvriers les plus recherchés ne craignent eux-mêmes de franchir de longues distances pour aller, comme ils le disent, où l’ouvrage commande. Les chemins de fer fournissent de singulières facilités pour la pratique de ce mode salutaire de dissémination, et il suffit de promener les yeux sur le rayon d’approvisionnement de Paris pour reconnaître mille moyens de féconder notre territoire, réalisables par l’emploi de la pioche, de la bêche et de la brouette, et également profitables aux provinces et à la capitale. Si aucune arrière-pensée politique ne s’était mêlée à l’organisation des ateliers de Paris, si la double condition de la dissémination des travailleurs et de l’utilité des travaux avait prévalu dès le principe, les sommes actuellement dépensées auraient suffi pour vivifier ici la navigation maritime, là pour assainir et rendre à l’agriculture d’immenses étendues de terrain.

Indépendamment des précautions de détail à prendre pour sortir du pas difficile où nous nous sommes fourvoyés, il est indispensable, pour prévenir la ruine dont l’institution des ateliers nationaux menace l’industrie et les finances, d’y régler le prix du travail de manière à ne jamais attirer des hommes réclamés par d’autres occupations ; ces ateliers doivent être des refuges contre les calamités publiques, et non des asiles ouverts aux exigences mécontentes.

Résumons-nous :

La révocation du décret du 2 mars et la réparation de l’atteinte stupide qu’il porte à la liberté de travailler ;

Une protection énergique étendue sur les ouvriers opprimés par