Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc, aux états-généraux, d’à peu près tous les représentans méridionaux, et on prononça le mot de domination hollandaise, mot qui répugnait tant à la Belgique, depuis trop long-temps dominée par l’étranger, à la Belgique, qui comptait dans son histoire de si glorieux souvenirs d’indépendance et de liberté.

L’épiscopat, qui exerce une grande influence sur l’esprit de nos populations religieuses, voyait de son côté, dans la direction philosophique donnée par le gouvernement hollandais à l’enseignement, une atteinte portée au catholicisme. Il accusait le roi Guillaume de vouloir convertir la Belgique au protestantisme, et cette accusation, vraie ou fausse, avait jeté de vives inquiétudes et de profonds fermens de haine parmi les catholiques. Ainsi, le gouvernement hollandais était signalé par le clergé comme voulant inoculer l’hérésie aux fidèles ; par les libéraux, comme animé d’un esprit d’absorption et de domination menaçant pour les libertés publiques. De ces deux partis, l’un était blessé dans sa foi religieuse, l’autre dans son esprit d’égalité : il y avait là, on le voit, les élémens d’une coalition puissante contre le gouvernement du roi Guillaume. Les deux fractions politiques qui devaient former cette coalition étaient au fond hostiles ; elles se composaient, la première, des hommes sortis des écoles épiscopales, et la seconde, des hommes sortis de l’école philosophique ; mais le terrain neutre sur lequel les deux partis pouvaient se rencontrer était celui de la liberté compromise.

À l’appel d’un écrivain qui a joué un grand rôle dans la Belgique depuis 1828, de M. Paul Devaux, il se fonda enfin un parti unique, un parti qui sut attirer à lui tous les mécontens. Il prit le nom de l’Union. Les remarquables écrits que publia coup sur coup, en faveur de l’Union, M. de Potier, eurent un retentissement immense. Ce fut le thème de toute la presse libérale. On fit alors une propagande facile et infatigable dans toutes les provinces méridionales. À l’apparition de cette force nouvelle, le roi Guillaume en comprit toute la puissance. Il s’irrita à son tour. On intenta, par son ordre, des procès de presse. Le roi persévéra plus que jamais dans un système qu’il avait rendu odieux à nos populations. Il parcourut enfin toutes les phases de colère, de résistance désespérée, qui précèdent fatalement les révolutions, et en septembre 1830 nous eûmes à notre tour nos trois journées.

Toutefois, malgré la coïncidence des dates, les deux révolutions de France et de Belgique étaient, vous le voyez déjà, profondément différentes. En France, juillet fut principalement dirigé contre le parti théocratique. Les jésuites étaient depuis long-temps le point de mire de la haine populaire, et, en effet, le clergé resta hostile à la révolution. Ici, le clergé avait, au contraire, concouru puissamment à combattre le gouvernement déchu. Il avait pris une part active, ardente même, à la lutte. Il avait le droit de demander à la révolution qu’elle acceptât son concours, et la révolution reconnaissante l’accueillit avec empressement.

Le gouvernement provisoire belge, composé d’hommes nouveaux, ne voulut point prendre de décision quant à la forme politique qui devrait désormais régir le pays. Il voulut que la nation, consultée, se prononçât elle-même librement et définitivement sur cette question, et le congrès constituant fut nommé. C’est à ce congrès que nous devons l’admirable monument constitutionnel que les peuples du Nord viennent aujourd’hui même interroger chez