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LETTRES SUR LA BELGIQUE;




AU DIRECTEUR DE LA REVUE DES DEUX MONDES[1]
I..

La Revue des Deux Mondes publiait dernièrement sur le libéralisme socialiste[2] une étude où des doctrines bien contraires en apparence se trouvaient à peu près d’accord. J’ai été frappé des nombreux exemples qu’on pourrait puiser en Belgique à l’appui des vues si sages et de la piquante argumentation de M. de Lavergne. Prendre la vie des nations par le côté pratique, accepter les bienfaits évidens qui se sont accomplis depuis la grande révolution de 1789 et chercher à les étendre encore, appliquer à l’amélioration du sort des masses les moyens connus tant qu’une solution nouvelle du problème ne sera point sortie de la lutte des théories, voilà le programme qu’on opposait dans cette Revue même aux doctrines du libéralisme socialiste, et ce programme, après de longues agitations intérieures, la Belgique a pu le réaliser en partie, grâce à la nation, qui a su allier, pour marcher à son but, l’amour des lois à la fermeté et à la patience.

Vous comprendrez, monsieur, que je saisisse avec bonheur l’occasion de faire mieux connaître un pays que la France juge, il faut bien le dire, assez mal, et ce n’est pas seulement dans les derniers temps et depuis le 24 février que la France a mérité ce reproche : c’est depuis 1830. On a incessamment méconnu nos sympathies pour votre pays, quoique la gratitude pour de grands services rendus nous en fît un devoir autant que nos intérêts. On a, dans toutes les relations d’affaires matérielles, traité la Belgique plutôt en

  1. Cette lettre, qui nous est adressée par un personnage éminent de la Belgique, est destinée, comme celles qui la suivront, à éclairer la France sur la situation d’un pays dont l’histoire politique est pour nous féconde en enseignemens. Aujourd’hui surtout, en présence des difficiles problèmes qu’a posés la révolution de février, il nous a semblé que ces informations, puisées à une source sûre, méritaient d’être recueillies et méditées.
  2. Voyez la livraison du 1er juin.