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sa valeur. Sous le régime de la communauté, on ne pourra même pas faire les travaux ordinaires pour arracher à la terre la subsistance de l’année ; comment ferait-on les travaux dont on ne doit recueillir les fruits que dans quinze ou vingt ans ? On coupera des arbres, on en coupera beaucoup, mais qui en plantera ? Qui desséchera des marais ? qui sèmera des forêts ? qui extraira les rochers des coteaux pour en faire des murs de soutènement, derrière lesquels on mettra les terres qui auront été trouvées dans les interstices de la roche ? qui plantera des vignes de manière à les faire durer un siècle ? qui rapportera sur le sommet du coteau les terres que les orages auront précipitées dans le vallon ? qui dirigera les eaux d’orage pour qu’elles ne ravinent pas ? qui endiguera les rivières et les ruisseaux pour qu’ils n’emportent pas les terres des plaines, ou qu’ils n’en fassent pas des marais ?

On ne fait toutes ces grandes opérations de l’agriculture que lorsqu’on est assuré d’en laisser le produit à ses enfans, et, si on ne les faisait pas, que deviendrait le sol ? Avant vingt ans, il serait dépouillé d’arbres et de vignes ; les coteaux seraient décharnés, les vallons seraient encombrés de cailloux, certaines plaines redeviendraient marais ; la population, misérable, diminuerait dans une proportion effrayante ; la nation périrait dans le chaos. Voyez, pour preuve, les biens communaux, ceux des hospices, des établissemens publics, et même les biens en usufruit, quoiqu’ils soient surveillés par la loi.

N’allons pas plus loin, c’en est déjà trop. Le communisme pourra bien faire verser des torrens de sang, mais il ne s’établira jamais. Dès les premières tentatives d’application, le prolétaire lui-même y renoncerait, et peut-être, dans sa juste colère, punirait-il sévèrement les hommes qui lui auraient prêché cette infernale doctrine.

L’opinion que je viens d’exprimer sur les socialistes provoquera peut-être, de leur part, des observations plus ou moins vives ; je les avertie que je ne leur répondrai pas. Outre que j’ai peu de goût pour la polémique, je suis très mal placé pour en faire. Habitant les champs à cent vingt lieues de Paris, je lis très peu de feuilles périodiques ; j’ignorerai la plupart du temps, les critiques qu’on pourra diriger contre cet examen rapide des cruelles doctrines qui ont couvert de deuil Paris et la France. Qu’on ne prenne donc pas mon silence pour un acquiescement.

Mal B. d’ISLY.