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hautement, par celles qu’elles se promettaient tout bas, par les facilités qu’on leur donnait pour se préparer à l’assaut, toutes ces ambitions et toutes ces misères se sont coalisées dans un suprême effort. Elles ont lutté pendant quatre jours avec des ressources dont personne n’eût osé soupçonner l’étendue. Des armes, des munitions, de l’argent, les insurgés avaient tout en abondance. Nous ne voulons point risquer de conjectures sur l’origine de ces approvisionnemens. On a beaucoup parlé dans la langue officielle des subsides de l’étranger, de la cabale des prétendans. Nous opposons jusqu’à nouvel ordre une réponse bien simple à ces insinuations désormais trop rebattues. Qui a-t-on vu parmi les plus courageux soldats de l’ordre, aux premiers rangs de la garde nationale et de l’armée, dans tous les endroits où le péril était plus pressant et le feu plus vif ? Des ministres de la monarchie déchue, des serviteurs de la dynastie exilée, des membres de la pairie, des officiers-généraux qui se vengeaient, en prenant le fusil, du décret avec lequel on avait naguère brisé leur épée ; puis aussi, disons-le à leur gloire, des hommes de la vieille aristocratie, des représentans très directs de ces intérêts anciens auxquels on est toujours tenté de rattacher certains noms. Tous ces d’auteurs désignés de la régence ou de la légitimité, tous allaient d’un même cœur au-devant des balles ; quel que fût le drapeau sous lequel la sédition se déguisât, tous sentaient bien que la sédition attaquait l’ordre social à sa base. Quant à l’agitation bonapartiste de l’autre semaine, nous constatons seulement qu’elle n’a pas tenu de place apparente dans le mouvement insurrectionnel, et nous avons entendu des bataillons de la banlieue crier alternativement vive l’empereur ou vive la république ! en descendant sur Paris pour combattre la révolte au prix de leur vie. Nous savons bien qu’il est aussi question, dans cette ténébreuse affaire, de l’or de l’étranger ; mais on rapporte que l’ambassade anglaise s’est plainte, auprès du ministre compétent, de ce qu’il y avait de vague sous cette imputation quasi-officielle, et l’on ajoute qu’il a été fait droit à ces justes griefs. Il ne resterait donc plus qu’à donner des passeports au chargé d’affaires d’une autre grande puissance : nonobstant les bruits qui circulent sur de prétendues découvertes, nonobstant l’éclat d’une arrestation au moins surprenante, nous doutons fort qu’on s’aventure si loin, nous doutons même qu’on y fût très autorisé.

Nous serions, pour nous, assez portés à réduire de beaucoup la part que l’on voudrait assigner aux combinaisons du dehors dans ce crime public dont nous gémissons si douloureusement. Ce n’est point du dehors que nous est venue l’organisation des ateliers nationaux. Lorsque la chambre fut envahie le 15 mai, lorsque l’émeute la déclara dissoute au nom du peuple, quelqu’un vit un ouvrier fondre en larmes et pleurer sur cette grande honte à laquelle il avait contribué : on lui demanda pourquoi il était là ; il répondit qu’il avait obéi à sa consigne. C’était encore une consigne qui rangeait ces malheureux travailleurs derrière les barricades du 23 juin, et les brigadiers ou les lieutenans qui l’avaient donnée, de qui tenaient-ils eux-mêmes leur pouvoir ? Ce n’était ni des prétendans ni de l’étranger. Les ateliers nationaux qu’on s’obstinait à grossir, qu’on s’obstinait à garder intacts, ont été une armée pour quelqu’un, une armée rebelle qui finissait par emporter son général, la chose est possible, mais toujours faudra-t-il que le général soit connu. Il faudra que l’instruction nous explique pourquoi M. E. Thomas méritait d’être arrêté, et pourquoi, malgré ses réclamations, il n’a jamais pu obtenir d’être mis en jugement. Il faudra fournit