Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’en est plus de même aujourd’hui. Les ateliers nationaux tendent, en principe, à prendre rang parmi nos institutions, et en pratique à s’étendre comme une plaie dévorante sur toute la surface de notre pays. L’établissement de ces ateliers est une conséquence juste, logique ; forcée, de doctrines économiques qui, depuis quatre mois, envahissent l’administration. Il est, en effet, des misères engendrées par les vices des individus, il en est qui sont causées par des calamités naturelles, et, si graves qu’elles soient, la responsabilité des unes ni des autres ne pèse sur les gouvernemens ; mais lorsque ceux-ci, par la précipitation de leurs actes, la témérité de leurs engagemens ou les erreurs de leur politique, éloignent eux-mêmes la confiance, paralysent les capitaux, suspendent le travail privé, il leur serait difficile de refuser des ateliers nationaux aux ouvriers sortis des ateliers particuliers qui ont été mis dans l’impuissance de fonctionner. En nous résignant aux maux qu’a déjà faits cette institution, disons bien haut que la permanence des ateliers nationaux et l’extension qui en deviendrait la suite inévitable suffiraient à la ruine des finances et de l’industrie de la France, et travaillons à les empêcher de s’enraciner davantage.

Il serait injuste d’attribuer toutes les souffrances, toutes les difficultés qui pèsent sur l’universalité des travailleurs de notre pays, à l’inexpérience des mains où sont tombées les affaires de l’état. Ceux que la Providence a jetés sur les décombres d’une monarchie qui s’écroulait n’étaient point préparés au rôle de régénérateurs ; ils n’avaient mesuré ni leurs forces, ni le poids qu’ils auraient à soulever, et, malgré tout le mal qu’ils ont fait ou laissé faire, il est dû aux uns de l’estime pour la droiture de leurs intentions, aux autres plus de pitié que de colère pour la présomption avec laquelle ils ont embrassé une tâche qu’ils étaient incapables de remplir. Aujourd’hui que le bon sens public fait justice d’ambitions mal justifiées, que l’assemblée nationale marche si loyalement au rétablissement de l’ordre, le moment serait mal pris pour refuser de tenir compte aux personnes des difficultés des temps Les mêmes ménagemens ne sont point dus aux fausses doctrines ; celles-ci ont envenimés des plaies qu’il était possible de guérir, et c’est à les démasquer qu’il faut aujourd’hui aider le pouvoir. Il ne suffit pas de la répression des abus impudens dont les ateliers nationaux ont été le théâtre ; il faut remonter aux sources mêmes des vices de l’institution pour les tarir, et moins chercher à lui donner une organisation supportable qu’à la rendre inutile.

En faisant une large part aux besoins extraordinaires créés par l’ébranlement profond de tous les travaux du pays, en distinguant l’usage de l’abus, on peut attribuer la funeste extension qu’ont reçue les ateliers nationaux :

Aux idées fausses et subversives qui, dès le lendemain de la révolution, se répandaient parmi les ouvriers, sous le patronage du gouvernement ;